Des Jurassiens en guerre en Corse

Le régiment d'Eptingue au camp de Corte, le 7 mai 1768. Bois gravé de Paul Boesch, reproduit dans le livre de Casimir Folletête: « Le régiment de l'Evêché de Bâle au service de France 1758-1792 », Lausanne, 1939. Le régiment d'Eptingue au camp de Corte, le 7 mai 1768. Bois gravé de Paul Boesch, reproduit dans le livre de Casimir Folletête: « Le régiment de l'Evêché de Bâle au service de France 1758-1792 », Lausanne, 1939.

La Corse… en tant que Jurassien, on y va en vacances pour se bronzer les pieds au soleil, mais cela n’a pas toujours été le cas, par exemple au 18e siècle. En 1758, un régiment de plus de mille hommes, dont les deux tiers de l’Ancien Evêché de Bâle, est envoyé pour faire la guerre en Corse. Le régiment des évêques de Bâle est alors au service du roi de France, et c’est justement en 1768 que la Corse est donnée par Gênes à la France. Le régiment est donc envoyé sur l’île de beauté pour faire comprendre que les Français sont désormais propriétaires de l'île.

De cette épopée des Jurassiens en Corse, on en garde une trace : le carnet de route manuscrit d’un homme du régiment d’Eptingue. Les explications de Damien Bregnard, archiviste adjoint aux Archives de l’Ancien Evêché de Bâle.

Le carnet de route nous en apprend beaucoup sur l’île et la réalité corse, telle qu’un Jurassien peut la découvrir. Extrait de ce carnet…

L'expédition du régiment d’Eptingue en Corse se termine par la victoire des Français et de leurs alliés. Le régiment d’Eptingue peut donc s’en aller, et en 1769, il se retrouve en garnison en Alsace. Nos Jurassiens reviennent ainsi presque à la maison…

Quelques extraits du carnet de route

Le voyage en mer

Le Régiment est embarqué le 20 juin 1768 pour se rendre en Corse, en sortant du bassin de Toulon, d'abord que nous avons eu débouché les Iles de hiers [d'Hyères], le vent favorable est venu, on a mis une partie des voiles et le vent est venu en poupe. Dans 30 heures, nous nous sommes vus en la pointe de l'île de Corse, vis-à-vis Calvis; en peu de temps nous sommes arrivés dans le bassin de St-Fiorenzo [St-Florent], où nous avons encré jusqu'au 24, jour de St-Jean, que nous avons débarqué par chaloupe.

L'attaque du village d'Oletta

La brigade a retourné à son camp de St-Florent et y a resté jusqu'au 16e aoust que l'on est party par piquet, une partie à une heure après minuit, d'autres à deux heures avec 4 pièces de campagne pour attaquer le village et couvent d'Oletta, village situé dans le Nebbio. La brigade de Bastia a monté par la montagne de la Sarra [Serra] et est venu joindre la nôtre au dessus de Poggio [Poggio d’Oletta], village à côté d'Oletta. Les rebelles étaient retranchés dans le couvent au nombre de 5000 hommes, notre brigade aidée par les volontaires de Soubise ont fait une vive attaque, les ont forcés à abandonner leurs retranchements avec une perte assez considérable, de notre côté 16 blessés, 23 de Soubise et 13 de Roussillon avec 4 morts. Nos grenadiers et chasseurs ont monté au village d'Holeta où ils ont mis le feu à une maison appartenant au des chefs des rebelles, ont saccagé le village et chassé presque tous les habitants à la montagne.

Les Corses contre-attaquent

Le 14e septembre, la brigade fut attaquée par les Corses une heure avant le jour. Leur chef s'appelait Mr Decafory [Gaffori], ils étaient 5000 hommes et notre brigade 7 à 800 hommes. Le reste de notre monde était à l'hôpital; ils nous ont entourré de tout côté. Les villages mêmes qui s'étaient déjà rendus se sont rebellés, nous ont coupé les vivres. Il a fallu se battre toute la journée; sans nos pièces de canon, nous étions tout massacrés. Nous avons eu 6 soldats tués avec un officier de notre régiment appelé Mr Neuhaus, 18 blessés. (…) La poudre, pain, enfin toutes les munitions nous menaçaient manquer.

A Ponte Novu, les Corses sont écrasés

Le 8 may [1769] au matin, les Corses ont attqué les volontaires de l'armée, le régiment de la Marine, les volontaires de Soubise, mais après une longue affaire, ils ont été obligés de repasser la rivière du Golo, rivière très rapide et presque aussi grande que le Rinh (sic); encore leur a-t-on bouclé le pont, ils ont été obligés de le repasser à la nage en laissant 442 hommes tués sur les bords, sans leurs blessés.

Source: Archives de l'ancien Evêché de Bâle, cote B 241a/27


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