Bob Dylan, 82 ans, a livré samedi soir à Montreux un concert 'classique' qui a plutôt 'surpris en bien' le public et enchanté ses afficionados. Devant 1500 spectateurs, il a interprété pour l'essentiel les titres de son dernier album 'Rough and Rowdy Ways'.
Silhouettes de noir vêtues, se découpant sur le cramoisi d'un rideau, l'idole américaine et ses cinq musiciens ont joué devant un public mélangé. Les têtes argentées se mêlaient aux fans plutôt jeunes et aux représentants de plusieurs générations.
Hormis quelques incursions dans le passé, le 'crooner' a joué la plupart des titres de son 39e et dernier album studio 'Rough and Rowdy Ways', sorti en 2020. Cet opus, aux accents à la fois folk acoustique et blues électrique, témoigne également de sa prose légendaire qui lui a valu le prix Nobel de littérature en 2016. En revanche, aucun ancien tube ou standard ne figurait au programme.
Un bout d'histoire de la musique
A la sortie, les échos sont positifs. 'C'était phénoménal. Il a fait son retour au sud des Etats-Unis', a relevé un sexagénaire. 'Pour ne rien gâcher, les morceaux étaient reconnaissables, contrairement à de précédents concerts', a-t-il ajouté.
D'autres se sont montrés plus lyriques: 'Il est à la musique populaire ce que Jean-Luc Godard est au cinéma. Ce sont des gens qui ont construit le 20e siècle. Je trouve cela très émouvant', a déclaré un fan.
'Super bien, génial', a sobrement résumé Yves Bigot, président de TV5 Monde et grand connaisseur de la star, interrogé par Keystone-ATS.
'J'ai beaucoup aimé les titres qui 'massaient'', a expliqué un jeune Alémanique venu de Zurich pour le concert. Une tête blanche s'est déclarée 'surprise en bien', après avoir été très déçue lors d'un concert à l'Arena de Genève il y a quelques années.
Certains se sont montrés plus sceptiques: 'Sa voix était par moment criarde, son blues enrhumé', note une spectatrice. 'Mais ce que je regrette surtout, c'est le manque d'interactions avec le public. Cela rend le concert monocorde', a-t-elle déploré.
Pas de chichis
Car, comme lors de ses récents concerts en France- aux critiques plutôt mitigées -, Bob Dylan a dévidé sa prestation, enchaînant 17 morceaux tantôt debout, tantôt assis derrière son piano. L'homme s'arrête à peine lors des applaudissements du public, tournant de suite les pages de ses partitions. Il se saisira à la fin de son harmonica, soulevant un enthousiasme rapidement éteint.
A son habitude, l'inclassable octogénaire ne fera pas de rappel, après avoir joué environ une heure trois quarts. Il ne s'adressera à la salle que pour présenter rapidement ses musiciens et lancer un 'thank you'.
Ce qui est déjà beaucoup, selon des connaisseurs de l'icône folk. 'Se tenir debout face au public, une main sur la hanche: il a donné son maximum', sourit une admiratrice. 'Avec lui, pas de chichis', a commenté son compagnon.
Pas d'images
Pas de chichis, sauf peut-être pour ce qui est des téléphones et des images: le chanteur-compositeur refuse en effet qu'aucune photo ne soit prise, aucun morceau enregistré durant ses concerts. Les téléphones sont strictement bannis. Le public s'est plié de bonne grâce à cette exigence, chacun enfermant son smartphone dans une pochette clippée pour la durée de la prestation.
'C'est plutôt une bonne chose et cela permet de vivre le moment présent. C'est agaçant de voir tous ces téléphones dressés pendant un concert', commente un jeune homme. 'Dommage de ne pouvoir faire une photo de ce moment exceptionnel', a estimé un autre. A noter que pour les accros, un espace était disponible dans le lounge.
Configuration spéciale
Toujours selon les voeux de l'artiste, seules 1500 places assises étaient disponibles dans l'auditorium Stravinski, au lieu des quelque 4000 places habituelles. Dans l'histoire du festival, seul Keith Jarrett s'est produit dans une telle configuration. A noter que, parmi les spectateurs, figurait son illustre compatriote, le musicien Jon Batiste, qui se produira dimanche prochain dans la même salle.
La tournée européenne de Bob Dylan compte une vingtaine de dates, dont Montreux était l'unique escale en Suisse. Le prix n'était pas à la portée de toutes les bourses, démarrant à 365 francs. La dernière apparition du chanteur sur la Riviera vaudoise remonte à l'édition 2012. Il s'y est aussi produit en 1990, 1994, 1998 et 2001 avec, à chaque fois, des concerts très remarqués.
/ATS