Le rejet de l'initiative de la gauche AVSplus dimanche à 59,4% ne signifie pas un 'oui' à AVSmoins, avertit lundi la presse suisse. Elle met en garde la droite à ne pas trop tailler dans les prestations de la prévoyance vieillesse dont la réforme se poursuit ce lundi.
Si les syndicats et la gauche ne sont pas parvenus à convaincre une majorité de la population, 'la droite aurait tort de crier victoire', remarque Le Temps. Un taux d'acceptation de 40,6% correspond à 'davantage que le socle électoral des initiants'. Plus que la victoire, leur démarche visait avant tout à 'peser dans le débat sur la réforme de la prévoyance vieillesse' élaborée par le ministre de l'intérieur, Alain Berset.
Le quotidien lémanique donne rendez-vous à ce lundi, le Conseil national devant entamer les débats du paquet 'prévoyance vieillesse 2020', une réforme globale des premier et deuxième piliers. Car le message sorti des urnes n'est pas un 'blanc-seing' accordé à la droite du Parlement pour qu'elle poursuive sur la voie du durcissement unilatéral, renchérissent 24 Heures et le Journal du Jura. Tous deux pointent la tentation d'augmenter l'âge de la retraite à 67 ans, alors que le taux de conversion est amené à chuter.
Feu vert à la réforme
'UDC et PLR disposent, certes, de la majorité absolue au Conseil national (...), mais ils seraient bien inspirés de ne pas se montrer plus royalistes que le roi', avertit le Journal du Jura. 'A trop vouloir saler la potion, elle sera imbuvable', lance 24 Heures, qui voit dans le résultat 'un apport constructif de la population suisse à un désir raisonnable de réforme de notre système de prévoyance'.
Même son de cloche du côté de L'Express, de L'Impartial et du Nouvelliste. 'C'est un feu vert pour la réforme globale des deux piliers'. 'Raisonnables', les Suisses ont préféré répondre à l'évolution démographique et à la baisse des rendements du deuxième pilier plutôt que de céder 'à la tentation du 'yaka''. Selon la presse neuchâteloise et valaisanne, l'idée d'un mécanisme automatique augmentant l'âge de la retraite à 67 ans 'fera long feu, car même ses partisans se rendent compte qu'elle risque de faire couler l'ensemble de la réforme'.
Au contraire, La Liberté se demande, quels enseignements la Chambre du peuple pourra bien tirer du vote. Les citoyens 'admettent désormais que l'heure est à une certaine rigueur en matière de retraites'. Les rentrées annuelles de l'AVS ne couvrent plus les dépenses, explique le journal fribourgeois. Mais 'si les Suisses ont dit non à AVSplus, ils n'ont pas dit oui à une AVSmoins (...) Or, le paquet ficelé par Alain Berset prévoit une diminution des rentes du deuxième pilier'.
Röstigraben
Le Courrier constate lui que le scrutin de dimanche, 'très gouvernemental', est de mauvais augure pour les forces de gauche. 'C'est préoccupant', poursuit le quotidien genevois, car, malgré 'un sujet qui aurait pourtant dû susciter le consensus', la gauche est à la peine. 'Ses revendications restent inaudibles pour une partie importante de celles et ceux qu'elle a vocation à défendre'.
'Et revoici donc le Röstigraben', s'inquiète quant à elle la Tribune de Genève, soulignant que seuls cinq cantons, tous latins, ont accepté l'initiative. Mais, tempère le journal, si les Latins estiment 'qu'un franc investi dans le système AVS a un meilleur rendement pour les retraites que s'il est placé dans le 2e pilier', les Alémaniques, 'réputés plus pragmatiques', ont mieux compris que la hausse proposée de 10% des rentes privait une partie des rentiers de prestations complémentaires.
Pour Le Matin et le Quotidien Jurassien, le 'oui' des Latins s'explique par un rapport différent à l'Etat. Ils ont des attentes plus fortes et comptent plus sur l'Etat pour améliorer leur quotidien. 'Outre Sarine, la responsabilité individuelle prime', indique Le Matin. Le Quotidien Jurassien note encore que les cantons qui ont accepté l'initiative 'sont aussi ceux où la main-d'oeuvre frontalière est forte et exerce une pression sur les salaires'.
Stabiliser le système
De l'autre côté de la Sarine justement, la Neue Zürcher Zeitung voit un triple signal dans le rejet de l'initiative. Les citoyens ont avant tout pensé à l'ensemble du système de retraite, au lieu de leur propre intérêt. Ils ont également tenu compte des tendances démographiques. Enfin, ils estiment que le Conseil fédéral et le Parlement trouveront une solution équilibrée dans la réforme en cours, qui maintienne les prestations actuelles, tout en stabilisant le système.
Pour le Tages-Anzeiger et le Bund, la gauche voulait avec l'initiative donner le ton à la majorité parlementaire bourgeoise sur la réforme en cours. Le 'non' clair glissé dimanche dans les urnes devrait au contraire renforcer la droite au Conseil national. La hausse de 70 francs décidée par le Conseil des Etats risque non seulement d'être rejetée à la Chambre du peuple, mais aussi par le nouveau Conseil des Etats.
Le troisième journal zurichois Blick estime que si le rejet de l'initiative est une défaite pour la gauche, il est aussi un signal pour le Conseil national. La droite doit retirer aussi vite que possible de la table de négociation ses propositions de réductions de prestations, dont la retraite à 67 ans.
Enfin, la Berner Zeitung et la Landbote relèvent que les Suisses n'ont pas voulu exiger encore plus de solidarité de la part des jeunes générations. C'est un signe encourageant pour la réforme des retraites, estime le quotidien bernois. ll ne fallait pas faire d'expérience avec l'AVS, mais assurer le système pour le futur, indiquent Nordwestschweiz et Südostschweiz.
/ATS