La victime et ses proches ont un droit à être informés de la libération de l'auteur d'un crime. Amené à trancher pour la première fois un tel cas, le Tribunal fédéral rejette le recours d'une femme condamnée pour complicité d'assassinat.
La recourante avait écopé en 2015 d'une peine de six ans pour avoir trempé dans l'assassinat de son beau-fils. Ce dernier avait été exécuté durant son sommeil par un tueur à gages en 2008 dans son appartement de Cointrin (GE).
L'an passé, la mère de cet homme d'affaires a demandé au Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) du canton de Genève de l'informer d'une éventuelle libération de la femme et de la belle-mère de la victime. Elle souhaitait éviter toute rencontre fortuite.
Le SAPEM a accepté de l'informer de toutes les mesures importantes concernant l'exécution de la peine, en particulier d'une libération ou d'une fuite éventuelles. Le recours de la belle-mère contre cette décision a été rejeté par la justice genevoise.
Droit à l'information
Dans un arrêt de principe publié jeudi, le Tribunal fédéral déboute à son tour la condamnée. Il rappelle que le Code pénal confère à la victime et aux proches, notamment, un droit à l'information sur l'exécution de la peine par l'auteur du délit. Ce droit couvre en particulier le moment de la libération ou une fuite. Seul un intérêt prépondérant du condamné permet de refuser ces informations.
Dans le cas présent, les juges ont estimé que l'idée d'une rencontre fortuite n'était pas absurde puisque les domiciles des deux parties ne sont distants que de quelques dizaines de kilomètres. Les informations demandées par la mère de la victime lui permettront d'éviter les abords du domicile de la recourante le moment venu.
La cour souligne d'ailleurs que la possibilité d'une telle rencontre constitue une des principales raisons qui ont conduit à l'adoption de cette disposition. Elle rejette en revanche l'interprétation de la recourante selon laquelle la transmission d'informations ne se justifierait qu'en cas de 'comportement négatif' du condamné, de menaces par exemple. Pour le Tribunal fédéral, une telle exigence ne ressort ni de la loi, ni de la volonté du législateur.
L'avocat de la recourante déplore
'C’est le premier arrêt rendu par le TF sur cette disposition du Code pénal, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, relève l'avocat de la recourant, Me Robert Assaël, qui considère qu'il s’agit de manière générale d’une 'fausse bonne idée'. Car elle fait fait courir à la personne condamnée un risque de représailles violentes.
Les informations des autorités d'exécution de la peine peuvent être aussi utilisées par la victime, par exemple pour empêcher l'auteur de retrouver un travail en informant des employeurs potentiels, ajoute l'avocat. Enfin, ces informations 'ne préparent nullement la victime à une rencontre inopinée: sur le qui-vive, cette dernière pourrait même voir ses craintes augmentées et ses souffrances ravivées.'
Sur le cas d'espèce, l'avocat déplore aussi la décision de Mon Repos: 'Le risque d'une rencontre fortuite était quasi inexistant. De plus, ma cliente n'a jamais eu un comportement hostile à l'encontre de la partie plaignante. Son droit à l’autodétermination en matière d’informations aurait dû l’emporter.» (arrêt 6B_630/2019 du 29 juillet)
/ATS