Un fonds doté de 300 millions devrait permettre d'offrir une réparation financière aux enfants placés de force dans des foyers ou des familles et aux personnes incarcérées abusivement. Le Conseil fédéral a mis mercredi sa proposition en consultation.
Le projet de loi mis en consultation jusqu'à fin septembre, annoncé déjà au début de l'année, fait office de contre-projet indirect à l'initiative populaire dite de réparation. Ce texte demande la création d'un fonds de 500 millions de francs pour les victimes encore en vie des mesures de coercition prises avant 1981. Il est l'oeuvre d'un comité interpartis réuni autour de l'entrepreneur Guido Fluri.
Le gouvernement reconnaît la nécessité d'offrir une 'contribution de solidarité en signe de reconnaissance de l'injustice subie'. Il a néanmoins revu l'enveloppe à la baisse. Sans fixer de chiffres, le projet de loi précise que toutes les victimes obtiendront le même montant.
Quelque 20'000 francs
Les moyens ne devraient être attribués que sur demande. Ainsi, tout dépendra du nombre de personnes qui déposeront une requête, a expliqué à l'ats le délégué aux victimes Luzius Mader.
La Confédération estime néanmoins que les bénéficiaires devraient toucher en moyenne de 20 à 25'000 francs. Les moyens devraient être largement financés par les caisses fédérales, avec le soutien volontaire des cantons et de tiers. Ils devraient être exemptés de taxe et ne pas entraîner une réduction du droit à l'aide sociale.
A titre de comparaison, l'Allemagne a versé entre 5500 et 10'000 euros à des victimes de placements dans des foyers, tandis qu'en Irlande, des montants allant jusqu'à 300'000 euros ont été versés dans certains cas exceptionnels.
Avant de décider d'un éventuel retrait de son initiative populaire, le comité veut attendre de connaître le sort qui lui sera réservé aux Chambres fédérales.
Etude en cours
Outre les prestations financières, le contre-projet en consultation vise à conférer une reconnaissance légale à l'injustice faite aux victimes et garantir la conservation de leurs dossiers. La Suisse s'emploie actuellement à faire toute la lumière sur un chapitre sombre de son histoire sociale, rappelle le gouvernement.
Des enfants ont été placés d'office chez des particuliers, en foyer ou donnés à l'adoption de force, des personnes ont été internées par simple décision administrative ou ont été stérilisées contre leur gré. Beaucoup ont été exposés à des violences physiques et psychologiques pendant des années. En raison de leurs traumatismes, certains d'entre eux vivent encore aujourd'hui dans des conditions précaires.
Une étude scientifique actuellement en cours sous la houlette du Zurichois Markus Notter apportera notamment des précisions sur le nombre de personnes concernées. Si les milieux intéressés parlent de 20'000 victimes, le Conseil fédéral cite une estimation entre 12'000 et 15'000.
Fonds d'urgence
Jusqu'ici, quelque 570 personnes en situation précaire ont touché des sommes de 8000 francs en moyenne. Ces versements ont été effectués par le Fonds d'aide immédiate, alimenté par les cantons, les communes et d'autres organisations à hauteur de 4,56 millions de francs. Initialement, il était prévu d'attribuer 7 à 8 millions par ce biais. Mais diverses entités, dont l'Union suisse des paysans, ont refusé de mettre la main au porte-monnaie.
Même si l'argent ne peut pas effacer les torts infligés, il est important d'octroyer des prestations financières aux personnes concernées. Il ne s'agit pas d'une faveur, mais d'un moyen de reconnaître les injustices commises et de témoigner de la solidarité, avait estimé la table ronde des milieux intéressés, créée sous la houlette de la ministre de la justice Simonetta Sommaruga.
En plus des violences physiques et psychiques, nombre de personnes placées de force chez les paysans, dans des homes ou dans des prisons n'ont pas pu apprendre un métier ou entreprendre des études. Elles ont travaillé sans rémunération et ont été privées de cotisations AVS.
Initiants satisfaits
Le Parlement a élaboré une loi reconnaissant l'injustice faite aux milliers de personnes incarcérées alors qu'elles n'avaient commis aucune infraction jusqu'en 1981. Ce texte exclut cependant un droit à des dommages-intérêts.
Les initiants regroupés autour de Guido Fluri se disent satisfaits du contre-projet indirect du Conseil fédéral présenté mercredi. Le gouvernement tient parole et fait avancer les choses, constatent-ils dans un communiqué. Le fonds de solidarité est une exigence centrale de l'initiative, rappellent-ils. De plus, le nombre de bénéficiaires est plus grand avec le projet du Conseil fédéral.
Les initiants n'entendent toutefois pas retirer leur texte pour l'heure, préférant attendre le résultat de la consultation et les débats au Parlement.
/ATS