Le sort de la réforme de la prévoyance vieillesse reste incertain. Après s'être drastiquement écarté de la copie du Conseil des Etats, le National a soutenu jeudi son propre projet en grinçant des dents, surtout pour le volet qui concerne la retraite à 67 ans.
Le relèvement automatique de l'âge de référence en cas de problèmes financiers de l'AVS n'a passé la rampe que par 99 voix contre 90 et 7 abstentions. Souhaitant éviter un échec total de la réforme, la majorité avait extrait mercredi ce mécanisme du reste de la réforme.
S'il passe le cap du Parlement, il sera soumis au peuple à part. L'âge de la retraite serait augmenté par étape jusqu'à 67 ans au maximum si le fonds AVS ne couvre plus que 80% de ses dépenses et qu'aucune réforme n'est engagée. Une augmentation automatique de l'âge de la retraite n'a aucune chance devant le peuple, a répété jeudi le ministre des affaires sociales Alain Berset.
La hausse de la TVA qui doit financer en partie la réforme est également très controversée. Au vote final, le National n'a soutenu son 0,6 point de pourcentage que par 74 voix contre 13 et 109 abstentions issues de la gauche et de l'UDC. Le Conseil des Etats avait déjà réduit le 1,5 point proposé par le Conseil fédéral à 1 point de pourcentage.
Gauche fâchée
La loi sur la réforme de la prévoyance vieillesse a recueilli 106 voix contre 55 et 35 abstentions issues principalement du PDC. PLR, UDC et PVL se sont imposés face à la gauche, très remontée jeudi.
Les Verts ont dénoncé une véritable entreprise de démantèlement. 'C'est une gifle pour toutes les personnes qui travaillent durement dans le pays et qui devront travailler plus pour toucher des rentes moins élevées', a estimé la présidente Regula Rytz (BE).
La réforme va droit dans le mur et se fera au détriment des jeunes et des femmes, principales perdantes de l'exercice. L'histoire a montré que seul un projet équilibré et juste pourrait passer le cap du peuple, a renchéri Silvia Schenker (PS/BS) en qualifiant l'exercice de massacre.
Système garanti
Il s'agit de garantir à long terme le système des retraites, a rétorqué Regine Sauter (PLR/ZH). Il faut assurer les rentes, pas de les développer, et adapter le système à l'évolution de la société. La solution trouvée y parvient, le modèle est cohérent, il assurera l'avenir de l'AVS et les rentes du 2e pilier. Pour le PLR, la réforme est sur la bonne voie.
Le National a choisi mercredi de garantir le niveau des rentes en compensant dans le 2e pilier la baisse du taux de conversion du capital en rentes (de 6,8% à 6%). Sa copie est plus proche des propositions du Conseil fédéral, a relevé Isabelle Moret (PLR/VD) au nom de la commission.
Indépendants privilégiés
La Chambre du peuple a tranché sur les derniers points jeudi. Les personnes exerçant une activité lucrative indépendante ne devraient pas cotiser à l'AVS autant que les salariés. La majorité a rejeté par 129 contre 65 l'alignement soutenu par le Conseil fédéral et la commission. En s'acquittant de maximum 8,4% au lieu de 7,8%, les indépendants auraient dû rapporter 330 millions de francs de recettes.
Les sénateurs n'avaient déjà pas voulu aller aussi loin que le gouvernement. Ils avaient fixé la barre à 8,1%, pour ne pas accabler les entreprises.
Les indépendants ne sont pas privilégiés actuellement, a justifié Mathias Frehner (UDC/BS). Ils paient les cotisations de l'employeur et de l'employé, soit le double des salariés, et seraient lourdement touchés par un relèvement de leurs contributions.
La situation des indépendants s'est améliorée ces dernières années, a objecté Alain Berset. Ils touchent une rente du 2e pilier et ont droit aux allocations familiales. Il n'est pas justifié de leur conserver un privilège.
4,5 milliards
Selon lui, il aurait fallu se préoccuper des coûts lors du vote sur les autres mesures concernant le 2e pilier. Les corrections du projet décidées 'à la hâte' par le National coûteront bien 4,5 milliards de francs au total, a confirmé le conseiller fédéral.
Dans la foulée, la majorité a adopté par 138 voix contre 56 une motion de la commission visant à empêcher les votations sur certaines baisses de rente de la prévoyance professionnelle. Le peuple ne pourrait plus se prononcer sur une baisse du taux de conversion ou du taux d'intérêt minimum appliqué au capital.
La balle repasse dans le camp du Conseil des Etats.
/ATS