Les cantons devraient être libres de choisir leur système électoral. Suivant le Conseil des Etats, le National a adopté lundi par 106 voix contre 81 un projet d'article constitutionnel. Une fois le cap des votations finales passé vendredi, le peuple tranchera.
Le projet vise à mettre en oeuvre deux initiatives uranaise et zougoise. Il répond au développement récent de la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant les modes de scrutin utilisés par les cantons pour les élections et le découpage de leur territoire en circonscriptions.
Principes à respecter
Partant du principe que les voix de tous les électeurs doivent contribuer dans une même mesure au résultat d'un scrutin, les juges estiment qu'un quorum de 10% ne doit pas être dépassé. Concrètement, dans chaque circonscription électorale, il doit y avoir au moins neuf sièges à attribuer.
A défaut, il faut regrouper des circonscriptions ou recourir à une répartition bi-proportionnelle, par exemple la méthode dite du double Pukelsheim utilisée à Zurich ou en Argovie. Le canton du Valais a ainsi dû revoir son système de répartition des sièges au Grand Conseil.
Le Tribunal fédéral a été plus loin en se penchant sur le cas d'Uri. Il a estimé que le système majoritaire n’était acceptable qu’à certaines conditions: lorsque l’autonomie des communes formant les circonscriptions est particulièrement élevée, lorsque les communes connaissant le système majoritaire comptent très peu d’habitants et lorsque les partis politiques n’occupent pas une place très importante.
Grogne
Cette jurisprudence avait conduit l'Assemblée fédérale à refuser la garantie fédérale aux règles schwyzoises d'élection au Grand Conseil. La question reste toutefois controversée et la grogne monte dans certains cantons. En procédure de consultation, 17 cantons sur 26 ont soutenu l'idée d'un nouvel article constitutionnel.
On reproche aux juges de prendre des décisions politiques qui outrepassent la souveraineté cantonale. Pas question de laisser imposer des procédures opaques de répartition des mandats et de menacer de sanctions un canton. En fin de compte, il faut aussi que la majorité de la population accepte, et surtout comprenne, la procédure en vigueur.
L'UDC et le PDC soutiennent soutiennent ce point de vue. Le Tribunal fédéral a accepté les motivations historiques des certaines circonscriptions mais estimé que d'autres étaient arbitraires, a critiqué Gerhard Pfister (PDC/ZG). A la fin, il pourrait aussi remettre en cause le rôle des cantons comme circonscriptions au niveau national.
Etat de droit
La majorité du PLR, le PS, les Verts et le PVL refusaient quant à eux de brider le Tribunal fédéral. Chaque voix exprimée doit avoir le même poids, a insisté Matthias Jauslin (PLR/AG).
Il ne faut pas permettre aux cantons de verser dans l'arbitraire, a ajouté Balthasar Glättli (Verts/ZH). Il en va de l'Etat de droit. Pas question non plus de laisser les grands partis se concocter des circonscriptions sur mesure pour s'assurer des sièges, a enchaîné Beat Flach (PVL/AG).
Dans un premier temps, ces formations auraient souhaité tout simplement renoncer au nouvel article constitutionnel. Mais elles avaient échoué de peu lors d'une première discussion au National. Elles sont revenues avec une proposition de compromis, visant à biffer certaines dispositions. En vain. Autant laisser le peuple trancher, a lancé Gerhard Pfister.
Nouvel article
Le nouvel article veut passer outre le Tribunal fédéral. Il précise que les cantons restent libres de déterminer le mode d'élection de leurs autorités et de leurs conseillers aux Etats, qui peut être majoritaire, proportionnel ou mixte. Par 104 voix contre 83, le National a suivi Conseil des Etats et ajouté que les cantons sont libres d’établir leurs circonscriptions électorales et d’adopter des règles électorales particulières.
Par exemple pour protéger les minorités régionales. Le siège garanti aux francophones au gouvernement bernois ou l'impossibilité d'avoir plus d'un conseiller d'Etat par district en Valais en sont des exemples. Selon la commission qui a rédigé le projet, les cantons ne pourraient toutefois pas déroger à des principes fondamentaux, notamment en privant les femmes du droit de vote.
Le Conseil fédéral a quant à lui renoncé à trancher dans ce débat.
/ATS