Empêtré dans l'affaire de son voyage à Abu Dhabi en 2015, le conseiller d'Etat genevois Pierre Maudet renonce provisoirement à présider l'exécutif. L'élu PLR se voit aussi retirer la police et l'aéroport.
'Il s'avère que M. Maudet a donné des informations erronées au Conseil d'Etat à plusieurs reprises, tant lors de la précédente législature que pendant l'actuelle', a déclaré jeudi devant les médias Antonio Hodgers. Le conseiller d'Etat Vert préside désormais le gouvernement.
'Pierre Maudet a violé les règles du Conseil d'Etat en matière de procédure protocolaire et de non-acceptation de cadeaux', a souligné M. Hodgers. Réuni jeudi matin en séance extraordinaire, le gouvernement 'déplore vivement cet état de fait'. La décision de M. Maudet de renoncer à la présidence est destinée à 'préserver la sérénité des institutions'.
En deux temps
L'exécutif a par ailleurs décidé à l'unanimité de transférer la police au MCG Mauro Poggia. En effet, des inspecteurs de la police judiciaire pourraient être impliqués dans l'instruction de l'enquête du Ministère public. Ce dernier a annoncé le 30 août vouloir mettre en prévention le magistrat pour acceptation d'un avantage.
Le gouvernement avait pris de premières mesures le 5 septembre 'sur la base de la première ligne de défense de Pierre Maudet' qui consistait à nier. Il avait pourtant déjà été informé par le principal intéressé de ses mensonges sur son voyage à Abu Dhabi. Mais il a préféré attendre sa confession publique et ne pas agir 'sous le coup de l'émotion'. D'où cette annonce en deux temps.
Aéroport aux Infrastructures
L'exécutif a encore revu la répartition de certaines tâches entre ses membres. Pierre Maudet conserve le Département de la sécurité, auquel sont rattachés le service de la surveillance des communes, la direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation ainsi que la fondation d'aide aux entreprises.
En revanche, Genève Aéroport passe au Département des infrastructures. Cette décision a été prise par 'gain de paix', assure M. Hodgers. Il n'y a, selon lui, aucun nouvel élément sur les soupçons quant à l'attribution de marchés publics au sein de l'aéroport.
Confiance ébranlée
La modification des départements fera l'objet d'une résolution soumise au Grand Conseil. Elle restera en vigueur, sauf si l'évolution du dossier exige sa révision, a précisé Antonio Hodgers. Le Parlement se prononcera à huis clos la semaine prochaine sur la demande du Ministère public de lever l'immunité de Pierre Maudet, afin de l'interroger.
A ce stade, il n'est pas question de démission. Même si la confiance du Conseil d'Etat a été 'ébranlée', le gouvernement n'a pas abordé ce sujet qui ne relève d'ailleurs pas de ses prérogatives, a souligné M. Hodgers. Interrogé, Pierre Maudet estime que 'ça serait une échappatoire', précisant qu'il n'a jamais abandonné un poste et ne renoncera pas.
Position intenable
Pour Carole-Anne Kast, présidente du PS genevois, le magistrat doit démissionner. 'L'acceptation d'un avantage est problématique au niveau pénal. A partir du moment où un homme d'Etat ne le comprend pas, il n'est pas digne de sa fonction', a-t-elle déclaré à Léman bleu. Un avis partagé par Ensemble à Gauche et les Verts.
Au PDC le ton est plus mesuré, même si le parti estime la situation provisoire actuelle n'est pas tenable pour engager les réformes du canton. L'exécutif devra tirer les conséquences qui s'imposent s'il n'arrive pas à 'gouverner sereinement'.
PLR Suisse déçu
L'affaire retentit au niveau fédéral. Elle a pris une nouvelle ampleur mercredi avec la publication de la chronique bi-mensuelle du magistrat dans le Blick, dans laquelle il écrit que la réalité est complexe. La télévision alémanique SRF a révélé le soutien du gouvernement genevois à un important projet immobilier des amis libanais impliqués dans l'organisation du voyage controversé.
Déçue de l'attitude de Pierre Maudet, la présidente du PLR Suisse Petra Gössi ne l'invite pas à la démission, mais elle se demande s'il peut encore gouverner. Il appartient au parti genevois et au conseiller d'Etat lui-même de régler le problème, a-t-elle indiqué jeudi lors d'un point de presse au Palais fédéral.
/ATS