Environ la moitié des victimes de violences domestiques ne veulent pas que leur agresseur soit condamné pénalement. Elles préfèrent que ce dernier prenne en charge ses problèmes, notamment en suivant une thérapie, révèle une étude mandatée par le canton de Zurich.
L'étude commandée par le Département zurichois de la justice visait à observer comment les cas de violences domestiques évoluaient à long terme. Au final, elle met surtout en lumière la réticence des victimes: le Ministère public zurichois doit classer la moitié de ses procédures pour violences domestiques en raison de leur refus de voir leur agresseur poursuivi.
Dans le canton de Zurich, la police est alertée 13 fois par jour, en moyenne, pour mettre fin à des violences au sein de familles. La plupart des agresseurs sont des hommes, la plupart de leurs victimes sont des femmes.
Un quart de ces cas aboutissent à une mesure de protection contre la violence: l'auteur des faits est sanctionné d'une interdiction d'accès au domicile commun ou à celui de la victime durant deux semaines. Il lui est alors aussi interdit d'entrer en contact avec la victime. Les cas les plus lourds aboutissent à l'arrestation de l'agresseur.
Condamnations en nette minorité
Sur les 427 cas observés durant une période donnée, seuls 22,3% ont abouti à une condamnation par ordonnance pénale et 13,1% font l'objet d'une mise en accusation dans l'attente d'une décision judiciaire. Sur l'ensemble des cas, 64,6% ont été classés sans condamnation de l'auteur des violences, principalement à la demande de la victime (50,4% de l'ensemble des cas recensés).
Beaucoup de victimes espèrent que leur relation avec la personne violente va s'améliorer. Pourtant, un quart des auteurs de violences domestiques récidivent dans l'année qui suit. Parmi eux, la plupart rechutent même dans les trois mois.
La thérapie d'abord
'Dans leur décision d'appeler la police, de déposer une plainte ou de la retirer, les victimes font face à d'énormes pressions en tous genres, pas seulement de la part de leur agresseur', explique mercredi à Keystone-ATS Rahel Ott, auteur de l'étude et co-directrice du service d'intervention de la police cantonale contre la violence domestique.
De manière générale, une procédure pénale constitue une charge pour les victimes, souligne en outre Rahel Ott. Et la peur de voir une peine pécuniaire peser sur le budget du ménage peut également mener à un retrait de la plainte. Mais surtout, de nombreuses victimes souhaitent d'abord que leur agresseur prenne en charge ses problèmes, consulte un service de conseils ou se soumette à une thérapie, plutôt que de le voir condamné pénalement.
Approche des autorités à changer
'Condamner et sanctionner ne constitue peut-être pas toujours la bonne voie et la plus efficace', déclare la ministre zurichoise de la justice Jacqueline Fehr (PS). La procédure pénale a, bien sûr, son importance, mais il faut aussi faire preuve de sensibilité à l'égard de la victime, afin d'évaluer avec elle comment mettre fin à la spirale de la violence.
Les procureurs sont donc appelés à changer d'approche dans les affaires de violence domestique, admet Corinne Kauf, elle-même représentante du Ministère public. 'La sanction pure reste aujourd'hui encore la seule priorité dans la plupart des têtes', regrette-t-elle. 'Mettre sur pied des thérapies et surveiller l'évolution des cas est pourtant tout aussi important.'
/ATS