Une équipe internationale avec participation genevoise a identifié la première source connue de neutrinos de haute énergie. Il s'agit d'un trou noir très massif situé à 4 milliards d’années-lumière de la Terre, selon ces travaux publiés dans la revue Science.
Le 22 septembre dernier, l’observatoire de neutrinos IceCube, un gigantesque détecteur d’un kilomètre cube enfoui sous les glaces du pôle Sud à la station Amundsen-Scott, détectait la collision d’un neutrino de haute énergie avec un noyau atomique.
'Un seul sur les millions qui ont dû atteindre la surface de l’Antarctique ce jour-là, tant ces particules sans charge, presque sans masse, indifférentes aux champs magnétiques et presque sans interactions avec la matière, sont difficiles à observer', explique dans un communiqué Teresa Montaruli, professeure au Département de physique nucléaire et corpusculaire de l’Université de Genève (UNIGE) et membre de l’expérience IceCube.
L’événement est aussitôt partagé avec la communauté des astronomes dans l’espoir de résoudre une des plus anciennes énigmes de l’Univers: la provenance et l'origine des rayons cosmiques et des particules de haute énergie qui nous arrivent continuellement de l’espace.
Eruption de rayons gamma
En croisant les données d’IceCube avec celles des observatoires de rayons gamma, les télescope spatiaux Fermi et AGILE et le Major Atmospheric Gamma Imaging Cherenkov Telescope (MAGIC) dans les îles Canaries, auxquels participe également l’EPF de Zurich, les chercheurs ont pu identifier la source du neutrino détecté en septembre.
C’est un objet de type 'blazar', un trou noir très massif et en rotation rapide situé au centre d’une galaxie spirale avec son jet de particules en direction de la Terre. Il se trouve à environ 4 milliards d’années-lumière de la Terre et est connu par les astronomes sous le nom de TXS 0506+056.
Concrètement, Fermi et AGILE ont identifié une forte éruption de rayons gamma à la date et dans la direction de la source indiquée par le neutrino. Un suivi ultérieur par MAGIC a détecté des rayons gamma d’énergies encore plus élevées.
Astrophysique multi-messagers
'En combinant observation des neutrinos et des rayons gamma, nous entrons dans l’ère de l’astrophysique multi-messagers', s’enthousiasme Teresa Montaruli. Les observations ont aussi été corroborées par d’autres instruments, y compris des télescopes optiques et des radiotélescopes.
Elles font de TXS 0506+056 l’une des sources les plus lumineuses de l’univers connu, un véritable 'moteur cosmique' suffisamment puissant pour accélérer les rayons cosmiques et produire les neutrinos de haute énergie qui leur sont associés.
Les rayons cosmiques sont les particules les plus énergétiques jamais observées, une énergie jusqu’à cent millions de fois supérieures à celle des particules du LHC au CERN, le plus puissant accélérateur de particules d’origine humaine. Comprendre comment elles sont créées intéresse donc non seulement l’astronomie, mais aussi la physique des particules et des plasmas.
Confirmation par l’analyse statistique
Le groupe de Teresa Montaruli a mené une analyse statistique des données historiques collectées par IceCube et a découvert qu’une douzaine de neutrinos de haute énergie, détectés à la fin de 2014 et au début de 2015, coïncidaient avec le même blazar.
L’observation d’un excès de neutrinos en 2014-2015 par rapport au bruit de fond dû aux neutrinos atmosphériques est une confirmation indépendante qui renforce considérablement l’hypothèse selon laquelle TXS 0506+056 est le premier accélérateur connu des neutrinos et des rayons cosmiques de haute énergie.
'Les preuves de l’observation de la première source connue de neutrinos à haute énergie et de rayons cosmiques sont convaincantes', conclut Francis Halzen, professeur de physique à l’Université du Wisconsin-Madison et responsable scientifique de l’observatoire IceCube Neutrino.
/ATS