Les violences sexuelles sont bien plus répandues en Suisse qu'on ne le pense. Une femme sur cinq âgée de 16 ans et plus a déjà subi des actes sexuels non consentis. Amnesty International appelle à un durcissement du droit pénal.
Selon l'étude de gfs.bern, commandée par l'ONG, 22% des femmes en Suisse ont déjà subi des actes sexuels non consentis et 12% ont eu un rapport sexuel contre leur gré. 'Il est effrayant de voir à quel point peu de femmes parlent de ce qu’elles ont vécu, même dans leur environnement immédiat', a indiqué mardi devant la presse à Berne Cloé Jans de gfs.bern.
Près de la moitié des femmes touchées gardent pour elles l'épisode de violence sexuelle. Seulement 8% ont porté plainte auprès de la police. Quant au harcèlement, près de 60% des femmes interrogées ont été victimes de contacts, d’étreintes ou de baisers non désirés, selon les résultats de l'institut qui a interrogé 4500 femmes.
Ignoré des statistiques
'Les résultats de l'enquête sont choquants. Ils révèlent que les cas enregistrés dans les statistiques policières ne sont que la pointe de l'iceberg', déplore Manon Schick, directrice d'Amnesty Suisse. En 2018, un total de seulement 1291 infractions liées à la violation de l'intégrité sexuelle (contrainte sexuelle et viol) a été enregistré par la police.
En outre, les agressions sexuelles restent largement impunies en Suisse. Dans une pétition, Amnesty demande à la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter de présenter des propositions de réforme du droit fédéral afin que tous les actes sexuels non consentis soient punissables.
La pétition demande également la formation obligatoire et continue des magistrats, de la police et des avocats à la prise en charge des victimes de violences sexuelles. Elle plaide enfin pour une collecte systématique de données et des études sur le traitement des infractions contre l’intégrité sexuelle dans le système judiciaire suisse.
Revoir la définition du viol
'La Suisse dispose d'un droit pénal sexuel obsolète, qui devrait être fondamentalement réformé', résume Nora Scheidegger, experte pour les infractions contre l’intégrité sexuelle. La perception du viol est notamment problématique: le droit suisse ne reconnaît le viol que s'il y a contrainte de la part de l'auteur et résistance des victimes.
Or la Convention d'Istanbul, entrée en vigueur en Suisse l'an dernier, exige clairement que l'absence de consentement soit au centre de toute définition juridique du viol et des autres formes de violences sexuelles. Aujourd'hui en Suisse, de nombreuses victimes sont en position de faiblesse devant les tribunaux.
L'automne dernier, le Conseil national a accepté une motion de Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE) pour élargir dans le Code pénal la notion de viol et y intégrer la dimension de contrainte. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.
https://www.amnesty.ch/violences-sexuelles
/ATS