Trois mois et demi après son ouverture, le procès des attentats de janvier 2015 en France, notamment contre Charlie Hebdo, a pris fin lundi avec les ultimes plaidoiries de la défense et derniers mots des accusés. Ils ont redit n'avoir 'rien à voir' dans les attaques.
'J'ai jamais eu aussi peur de ma vie dans la justice de mon pays', a lancé l'un des onze accusés présents. Trois sont jugés par défaut depuis le 2 septembre, dont Hayat Boumeddiene, compagne en fuite de l'auteur de l'attentat contre la supérette juive Hyper Cacher, Amédy Coulibaly.
Après ces mots, le président de la cour d'assises spéciale de Paris, Régis de Jorna, a déclaré 'terminés' 54 jours de débats. Il a annoncé le verdict pour mercredi à 16h00.
Pendant cinq jours, la défense a dénoncé le risque d'une 'exemplarité' des peines pour pallier l'absence des frères Saïd et Chérif Kouachi, les assaillants de Charlie Hebdo, et d'Amédy Coulibaly. Ils ont été abattus après les attaques qui firent 17 morts en trois jours en janvier 2015, et choquèrent le monde entier.
Le parquet national antiterroriste a requis de lourdes peines, de cinq ans de prison à la réclusion à perpétuité, contre les 14 accusés soupçonnés de soutien logistique aux auteurs des attentats et pour deux d'entre eux de 'complicité'.
'Peines de 'malades''
'J'ai vraiment pas fait tout ce que vous dites', a assuré lundi le principal accusé Ali Riza Polat, contre lequel la perpétuité a été requise. Accusé d'être le complice des frères Kouachi, et de Coulibaly, il aura marqué les trois mois d'audience par ses invectives et ses coups de colère.
Ses coaccusés se sont eux aussi défendus d'être des 'terroristes', niant tout 'lien' avec les attaques. Pour les avocats généraux, ils étaient la 'cheville ouvrière' et la 'base arrière' des attentats et sans eux, le 'trio' formé par les Kouachi et Coulibaly 'n'était rien'.
En réponse aux 'peines de 'malades' (très lourdes, ndlr)' requises - selon les mots d'une avocate -, la défense a dénoncé un dossier 'friable' et 'vide' de preuves. Les zones d'ombre de l'instruction ont été 'assumées' par le parquet, qui en a rejeté la faute sur les déclarations contradictoires des accusés, pour la plupart jugés pour avoir recherché ou fourni des armes au trio djihadiste.
La façon dont cet arsenal a atterri entre les mains des terroristes reste peu claire et les longs débats n'ont pas permis d'obtenir toutes les réponses. Les enquêteurs ont identifié deux 'filières' d'acheminement des armes retrouvées en possession de Coulibaly: l'une 'belgo-ardennaise', l'autre 'lilloise'.
Des déplacements entre Paris, Lille et la Belgique ont été mis au jour à l'aide de la téléphonie, clé de voûte de l'accusation. Quelques traces ADN ont également été découvertes, notamment sur deux armes de Coulibaly, celles d'un ancien codétenu.
'Pas céder à la peur'
Plaidant lundi, ses avocats ont tancé des accusations reposant sur des 'hypothèses'. Après les débats, 'le flou et le doute persistent et on ne peut pas être condamné sur du flou, des doutes et des supputations', a fait valoir Me Delphine Malapert.
Si l'ancien codétenu doit être condamné, c'est pour avoir 'touché les armes', pas pour une association de malfaiteurs terroriste criminelle, selon elle. Cet accusé est un 'amoureux inconditionnel de la vie, à côté duquel vous êtes totalement passé', a déploré son autre avocate, Marie Dosé.
'Ce n'est pas le procès du terrorisme, ni des auteurs des attentats de janvier 2015', a argué Me Safya Akorri. En désignant son client et ses voisins de box, elle a ajouté: 'c'est le procès de ces hommes-là', appelant les juges à ne 'pas céder à la peur'.
Quelque 200 personnes se sont constituées parties civiles au procès, intégralement filmé pour les archives historiques, une première en matière de terrorisme.
/ATS