De nouveaux allègements fiscaux pour toutes les entreprises viendront pallier l'abolition des privilèges accordés aux sociétés étrangères. Le National a traité mercredi une grande partie du projet. Et la majorité de droite a eu la main très leste.
La troisième réforme de l'imposition des entreprises n'est pas contestée en soi. Vu la pression internationale, la Suisse est obligée d'agir. L'ODCE et l'UE ne veulent plus de la concurrence 'déloyale' qui fait bénéficier les entreprises étrangères sises sur territoire helvétique de statuts spéciaux. Ces derniers vont donc disparaître.
Pas moins de 24'000 sociétés, qui représentent de 135'000 à 170'000 emplois et plusieurs milliards de francs de recettes fiscales, sont concernées, a souligné Céline Amaudruz (UDC/GE) au nom de la commission. Pour ne pas tuer la poule aux oeufs d'or, de nouvelles largesses, compatibles avec les règles internationales, devraient donc être accordées à toutes les entreprises, suisses et étrangères.
Baisse d'impôt et 'patent box'
L'une des options, qui n'est pas pas inscrite dans la loi fédérale, est de réduire le taux d'imposition des sociétés au niveau cantonal. Certains, comme Vaud et Genève, se sont déjà engouffrés dans cette brèche. Les citoyens vaudois se prononceront d'ailleurs dimanche.
Une autre option est le recours à un nouveau système de 'patent box', qui devrait permettre une imposition préférentielle des revenus des brevets et d’autres droits comparables.
Autres largesses
D'autres largesses sont prévues. Les cantons auront aussi la possibilité de relever les montants des déductions accordées sur les dépenses consenties en faveur de la recherche et du développement. Et la droite n'a pas hésité à charger le bateau malgré les appels à la retenue du ministre des finances Ueli Maurer.
Les députés se sont prononcés pour un modèle d'impôts sur le bénéfice corrigé des intérêts entraînant des pertes fiscales de 266 millions pour la Confédération et pouvant aller jusqu'à 344 millions côté cantons.
Ils ont aussi introduit une taxe forfaitaire au tonnage qui frapperait les sociétés maritimes en lieu et place des impôts sur le bénéfice et le capital. La Confédération devrait y perdre 5 millions tout comme les cantons. La droite a aussi obtenu qu'une réduction de l'impôt sur le capital des entreprises puisse aussi être accordée aux holdings.
Enfin, le National n'a pas souhaité plafonner séparément les allègements liés à la 'patent box' et aux investissements dans la recherche. En lieu et place, il a adopté une limite générale appliquée à ces deux instruments ainsi qu'à l'impôt sur les bénéfices corrigés des intérêts. La réduction fiscale globale ne devra en principe pas dépasser 80% du bénéfice imposable avant déduction des pertes reportées.
Allègements à gogo
Résultat des opérations: la facture avoisine rien que pour la Confédération 1,5 milliard de francs. De quoi faire bondir la gauche qui réclame depuis des mois que l'exercice ne se solde pas sur le dos des contribuables et qui brandit la menace du référendum.
Cette réforme est devenue un vrai libre-service pour les cadeaux fiscaux en tout genre, a critiqué Ada Marra (PS/VD). Les pertes fiscales vont obliger Berne et les cantons à renforcer leurs programmes d'économies.
Les efforts du camp rose-vert pour compenser au maximum le manque à gagner sont restés vain. Il n'a pas réussi à obtenir l'introduction d'un impôt sur les gains en capital, qui pourrait rapporter des centaines de millions à la Confédération et aux cantons.
La gauche n'a pas eu plus de succès en soutenant une hausse de l'imposition des revenus issus de paiements de dividendes. Cette mesure proposée par le Conseil fédéral, mais déjà rejetée par le Conseil des Etats, aurait rapporté 76 millions de francs à la Confédération et 346 millions aux cantons.
Investissement dans l'avenir
La réforme est un investissement dans l'avenir de la place économique suisse, qui va lui permettre de rester compétitive au niveau international, a fait valoir Martin Landolt (PBD/GL). A défaut, les entreprises risquent de délocaliser, et des emplois disparaîtront, a ajouté Martin Bäumle (PVL/ZH).
La droite remet en cause l'argument du manque à gagner fiscal, estimant que les mesures auront un impact dynamique et favoriseront la croissance économique. L'Etat devrait donc s'y retrouver au final.
Les débats se poursuivront jeudi. Les députés doivent encore se prononcer le coup de pouce à accorder aux cantons, les conséquences sur la péréquation financière ainsi que sur le traitement séparé de la suppression du droit de timbre d'émission sur le capital propre.
/ATS