L'ancienne directrice de la société lucernoise Fera comparaît depuis mercredi devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone. Accusée d'avoir obtenu des crédits en produisant des documents fictifs, elle nie toute culpabilité.
L'accusée, âgée aujourd'hui de 71 ans, répond de faux dans les titres, d'escroquerie par métier, de gestion déloyale, d'abus de confiance et de blanchiment. Son mari est également convoqué par la justice pour complicité d'escroquerie.
Selon le Ministère public de la Confédération (MPC), la septuagénaire aurait falsifié entre 2006 et 2010 de nombreux documents. Elle dirigeait alors l'entreprise Fera AG, active dans le commerce de machines.
Fonction subalterne
Répondant mercredi aux questions du président du tribunal, l'accusée a rejeté sa fonction d'ancienne directrice générale et déclaré qu'elle n'était que responsable du personnel, de la communication et du financement d'une caisse commune au sein de l'entreprise. Selon ses dires, elle n'aurait pas géré les affaires opérationnelles, qui auraient été du ressort d'un des membres du conseil d'administration.
En outre, Fera ne commercialisait elle-même plus de presses à forger depuis 2003, mais sa filiale italienne Ato, où le responsable s'occupait des achats et des ventes, a indiqué l'accusée. Selon elle, ces transactions ont bien eu lieu et le préfinancement de ces dernières a vraisemblablement été effectué par l'entreprise Fera.
Se décrivant comme une subalterne, elle a expliqué la présence de sa signature sur divers contrats en disant entre autres qu'elle avait reçu des procurations de la part des responsables.
Informée?
La femme de 71 ans a dit qu'elle n'en savait rien sur de nombreux points, notamment la tenue de la comptabilité. Or, selon ses propres déclarations, elle était chargée de veiller à ce que les comptes de Fera et ceux des autres filiales de la société-mère Blue Steel Holding (BSH) soient suffisamment approvisionnés.
Par ailleurs, bien que prétendûment non-impliquée dans les opérations, l'accusée a été en mesure de donner des indications très détaillées concernant les documents auxquels faisaient référence les questions du président du tribunal. La raison qu'elle invoque: elle aurait jeté un oeil dans les dossiers de procédure ces dernières années.
'Edifice de mensonges'
Selon le MPC, les documents falsifiés auraient permis d'attester des affaires fictives auprès des banques et d'obtenir des crédits s'élevant à plusieurs centaines de millions de francs. L'acte d'accusation parle d'un 'édifice de mensonges' afin de convaincre les milieux financiers de la réalité des transactions. Dans les faits, le nombre de machines était réduit et les affaires conclues plus rares encore.
L'accusée et son mari auraient aussi détourné des fonds. Le MPC relève que les époux ont dépensé un million de francs entre 2002 et 2009 dans une seule boutique de Francfort. Durant la même période, 9,4 millions de francs en liquide ont été retirés de la société.
Banques lésées
Parmi les établissements financiers, la principale lésée est l'ancienne Skandifinanz Bank (Skandifinanz aujourd'hui) qui réclame 134 millions d'euros aux accusés, sous déduction de quelque 10 millions de francs déjà récupérés devant le Tribunal d'arrondissement de Zurich. Les créances de trois autres banques s'élèvent à plus de 22 millions de francs.
Mais les masses en faillite de Fera AG et de BSH ont aussi produit des prétentions civiles de 206 et 123 millions de francs, respectivement. BSH était contrôlée par le mari de la directrice de Fera.
Outre les deux accusés principaux, l'ancien directeur adjoint d'une banque comparaît aussi pour une transaction datant de 2009. Une partie des faux dans les titres ne seront pas poursuivis en raison du délai de prescription de 15 ans. Le MPC ne les a donc pas inscrit dans son acte d'accusation. D'autres pourraient aussi être prescrits jusqu'à ce que ce jugement de première instance soit prononcé.
Le Parquet fédéral n'a pas encore annoncé ses réquisitions de peine. Il le fera lors de l'audience. Le procès est prévu jusqu'à vendredi, voire au-delà. (affaire SK.2020.57)
/ATS