Les magasins ne devraient pas pouvoir ouvrir en semaine jusqu'à 20h00 partout en Suisse. Le Conseil des Etats a rejeté jeudi par 19 voix contre 18 un projet d'harmonisation nationale des horaires. Le National doit encore se prononcer.
La gauche, qui brandit déjà la menace du référendum, s'est opposée avec véhémence à ce projet. Les cantons ne veulent rien savoir non plus de cette harmonisation, estimant qu'elle empiète sur leur souveraineté. Cette fronde a pu compter sur le soutien de plusieurs sénateurs bourgeois dont Anne Seydoux (PDC/JU), Raphaël Comte (PLR/NE) et Urs Schwaller (PDC/FR) ainsi que sur les Vert'libéraux.
Le coup de grâce a été porté par le président du Conseil des Etats Claude Hêche qui a dû trancher un vote opposant 18 'non', 18 'oui' et 1 abstention. Si le National repêche le projet, un deuxième refus d'entrer en matière de la part de la Chambre des cantons serait toutefois définitif.
Harmonisation
La nouvelle loi vise à concrétiser une motion du conseiller aux Etats Filippo Lombardi (PDC/TI). Les commerces de détail devraient pouvoir ouvrir, dans tout le pays, au moins de 06h00 à 20h00 du lundi au vendredi et, le samedi, de 06h00 à 18h00.
Les cantons seraient libres d'adopter des législations plus libérales. Les dimanches et les jours fériés cantonaux ne sont pas concernés par cette harmonisation fédérale. Pas plus que les veilles de jours fériés cantonaux. La Confédération a la compétence de légiférer mais ne l'a jamais utilisée jusqu'ici, a assuré Karin Keller-Sutter (PLR/SG) au nom de la commission.
Concurrence étrangère
Saluée par le ministre de l'économie Johann Schneider-Ammann, l'harmonisation des horaires était soutenue par la droite. Le projet permettrait de s'adapter aux besoins des clients mais surtout de lutter contre le tourisme d’achat, dopé par le franc fort.
Onze milliards de francs ont été dépensés à l'étranger en 2014 et la tendance serait à la hausse depuis janvier, a plaidé en vain Karin Keller-Sutter (PLR/SG) au nom de la commission. La concurrence est rude. La France, l'Autriche mais surtout l'Italie ou l'Allemagne connaissent des législations bien plus libérales.
Dès lors, des commerces s'installent à la frontière pour attirer les clients suisses. L'harmonisation permettrait de ramener de l'argent, des impôts et des emplois en Suisse. Elle permettrait aussi d’éliminer les distorsions entre cantons. Les nombreuses règles actuelles et leur lot d'exceptions rendent la vue d'ensemble illisible, selon Filippo Lombardi.
Pour ses partisans, le projet ne remet pas en question la protection des travailleurs contre le travail dominical ou nocturne, réglée au niveau national. Et les magasins qui ne souhaitent pas ouvrir plus longtemps ne seront pas tenus de le faire.
'Jihad néolibéral'
Les opposants, gauche et syndicats en tête, ne l'entendent pas de cette oreille, Luc Recordon (Verts/VD) allant jusqu'à dénoncer une sorte de 'jihad néolibéral'.
Le peuple s'est prononcé 17 fois sur des libéralisations au niveau cantonal et 14 fois il a dit 'non', a rappelé Christian Levrat (PS/FR). Et quand il y a eu extension des horaires, cela s'est fait moyennant des garanties supplémentaires pour les employés.
Selon lui, le projet favorise les grands groupes au détriment du petit commerce. Pis, on veut imposer des règles aux cantons périphériques contre leur volonté.
A chacun de trancher de son côté. Les cantons frontaliers devraient rester libres de libéraliser s'ils le jugent nécessaires. Mais qu'on ne dicte pas de manière centraliste les horaires d'une boulangerie à Vuadens (FR), a lancé le Fribourgeois.
L'argument du tourisme d’achat est fallacieux, a ajouté Anita Fetz (PS/BS). Le problème ne vient pas des horaires, mais des différences de prix, a-t-elle souligné. Et de rappeler que dans son canton comme dans dix autres (AG,AI,BL,GL,NW,OW,SH,SZ,TG,ZH), la nouvelle loi ne changerait rien, la réglementation actuelle étant au moins aussi libérale.
Suisse romande touchée
En Suisse romande par contre, le projet implique des allongements d'horaires. A Genève, ceux-ci seraient d'une heure du lundi au jeudi, d'une demi-heure le vendredi. A Neuchâtel, l'allongement serait d'une heure chaque jour, sauf le jeudi et le samedi.
Les commerces jurassiens et valaisans devraient pouvoir ouvrir une heure et demie de plus en semaine et une heure supplémentaire le samedi. La loi fédérale prévoit des heures d'ouverture plus longues d'une heure en semaine et de deux heures le samedi que la réglementation fribourgeoise.
A Berne, la libéralisation ne porterait que sur une heure supplémentaire le samedi. La comparaison avec Vaud, qui connaît des dispositions communales, est plus compliquée. Les commerces lausannois devraient pouvoir ouvrir une heure de plus en semaine.
/ATS