Le Conseil fédéral rejette la critique selon laquelle il n'aurait pas reconnu la dimension politique de l'affaire Crypto. Si le contrôle a pu être contourné, c'est parce que les faits ont duré des années et qu'ils ont été gardés secrets par un cercle très restreint.
Le Conseil fédéral a rendu publiques vendredi ses conclusions au rapport de la Délégation des commissions de gestion du Parlement remis en novembre dernier. Celle-ci avait émis douze recommandations afin de tirer les leçons de cette affaire.
Vendredi, le Conseil fédéral se défend de n'avoir pas reconnu la dimension politique des faits devenus publics. Les informations rapides du Département de la Défense (DDPS) à l'attention du Conseil fédéral et le traitement approfondi de l'affaire démontrent que le gouvernement a pris la situation au sérieux et s'est efforcé de la clarifier, indique le DDPS dans son communiqué.
Informations insuffisantes
Le gouvernement reconnaît par contre qu'il est problématique que ni l'actuelle ministre de la défense Viola Amherd ni aucun de ses prédécesseurs n'aient été informés de l'opération avant 2019. Le problème ne réside pas, selon lui, dans un manque des instruments de contrôle au niveau du DDPS.
C'est plutôt lié au fait que des collaborateurs du Service de renseignement stratégique (SRS) et plus tard du Service de renseignement de la Confédération (SRC) ont voulu 'tenir l’opération secrète et la soustraire au contrôle politique', indique le rapport. L'affaire s'étendant sur des années, ses 'conséquences possibles n'étaient pas faciles à appréhender'.
Plus de 100 Etats espionnés
L'affaire a été révélée en février 2020. La CIA et les services de renseignement allemands (BND) auraient intercepté, durant des dizaines d'années, des milliers de documents via les appareils de chiffrement de l'entreprise Crypto. Grâce à des appareils truqués, la CIA et le BND ont écouté les conversations de plus de 100 Etats étrangers.
Les deux services de renseignement ont acheté l'entreprise zougoise à parts égales en 1970, en passant par une fondation du Liechtenstein. Le BND a quitté l'opération en 1993. Mais les Etats-Unis ont prolongé les écoutes jusqu'en 2018 au moins, selon des recherches conjointes de la télévision alémanique SRF, de sa consoeur allemande ZDF, ainsi que du Washington Post.
L'enquête parlementaire a montré que le renseignement suisse savait depuis 1993 que des services de renseignement étrangers se cachaient derrière Crypto. Il a collaboré avec eux pour collecter des informations sur l'étranger.
Problème: les chefs successifs du DDPS n'ont pas été informés. Le rapport pointait donc des lacunes dans la gestion et la surveillance du renseignement et concluait à une coresponsabilité.
Deux recommandations rejetées
Sur les douze recommandations émises, le Conseil fédéral indique en retenir dix. Sur deux, il n'est pas d'accord. Il ne veut en particulier pas se doter d'instruments permettant de se procurer de manière autonome les informations dont il a besoin si une affaire liée au renseignement survient. Il juge que les bases légales règlent suffisamment les échanges d'informations entre le SRC et le DDPS.
Il rejette aussi la demande de la Délégation des commissions de gestion d'être préalablement consultée au sujet de plaintes pénales de la Confédération portant sur des affaires ou des personnes qui font l'objet d'une enquête menée par elle.
Cela se réfère à une plainte du Secrétariat d'Etat à l'Economie contre inconnu pour d'éventuelles infractions à la loi sur les exportations. Pour le Conseil fédéral, cette demande est juridiquement et matériellement problématique.
/ATS