Les grandes multinationales basées en Suisse devraient se montrer davantage transparentes en matière fiscale dès 2018. Après le Conseil des Etats, le National a adopté cette nouvelle réglementation. Mais il a eu la main plus légère, notamment en matière de sanctions.
Un accord a été concocté dans le cadre du projet BEPS de l'OCDE et du G20. Le but est d'éviter, via des déclarations 'pays par pays' remplies par les multinationales, que leurs bénéfices ne soient imposés que dans des Etats où les impôts sont bas. Seule l'UDC s'est opposée au projet.
La Suisse n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre, a fait valoir Céline Amaudruz (UDC/GE) au nom de la commission. Refuser de légiférer, c'est exposer les multinationales au risque de figurer sur une liste noire ou de devoir déposer des déclarations dans d'autres pays et selon les règles qui y prévalent.
Le Parlement entend d'ailleurs préciser que les futures adaptations de l'accord devraient être avalisées par les Chambres, voire soumises au référendum facultatif si elles sont importantes.
Pas de 'swiss finish'
Avec le soutien du ministre des finances Ueli Maurer, la droite ne souhaite en outre pas aller au-delà du minimum requis. Le National a enfoncé le clou. Il a revu de manière plus étroite la définition d'un groupe, d'une société mère et d'une société mère résidente en Suisse.
Il a prolongé le délai pour l'obligation de s'annoncer à 90 jours après la fin de la période fiscale déclarable. L'Administration fédérale des contributions ne pourra pas entendre les représentants d'une entité qui n'a pas remédié aux manquements dans le délai imparti.
Transmission automatique
Les groupes d'entreprises multinationales basés en Suisse devront remplir une déclaration contenant des données par Etats sur la répartition mondiale des chiffres d'affaires, des impôts acquittés et d'autres chiffres-clés. La gauche a réclamé en vain que soit aussi transmis au fisc un fichier principal et un fichier local.
La déclaration devra être établie par les multinationales dont le chiffre d'affaires annuel consolidé dépasse l'équivalent de 750 millions d'euros au 1er janvier 2015 (soit 900 millions de francs). Elle sera transmise chaque année automatiquement aux autorités fiscales des Etats où ces groupes disposent d'entités, pour autant qu'une convention permette l'échange.
Pour les périodes fiscales antérieures à 2018, les multinationales pourront remettre une déclaration sur une base volontaire. Les premiers échanges automatiques entre la Suisse et les Etats partenaires, qui seront désignés par le Conseil fédéral, devraient avoir lieu dès 2020.
Confidentialité
Les données seront uniquement destinées au fisc et ne seront pas publiées. L'obligation de garder le secret ne s'appliquera toutefois pas aux organes judiciaires ou administratifs cherchant à obtenir des renseignements officiels ou lorsque la convention et le droit suisse autorisent sa levée.
Une entreprise pourra demander la suspension de l'échange automatique des déclarations envers un Etat violant les règles de confidentialité. Le Département fédéral des finances se prononcera sur le bien-fondé de la requête mais la décision définitive sera prise par le Conseil fédéral.
Les intentions de la Commission européenne pourraient interférer avec l'interdiction de publication. Bruxelles songe en effet à dévoiler certaines données et les multinationales suisses ayant une filiale dans un Etat de l'UE auraient du mal à y échapper. Pour l'instant, personne ne fait du zèle, a toutefois estimé Ueli Maurer.
Sanctions
Le Conseil des Etats avait déjà revu le régime de sanctions. Il a biffé la disposition sanctionnant pénalement d'une amende de 100'000 francs au plus les indications inexactes ou incomplètes commises par négligence dans la déclaration. Le National a été plus loin, au dam de la gauche et sans le soutien du ministre des finances.
Il a limité à 100'000 francs au lieu de 250'000, le montant maximum de l'amende en cas de comportement intentionnel de la personne responsable de l'infraction. Par ailleurs, en cas d'infraction mineure pour laquelle une amende ne dépassant pas 25'000 francs entre en ligne de compte, l'entreprise pourrait payer à la place des personnes responsables de l'infraction.
Enfin, la sanction maximale prévue en cas de dépôt tardif de la déclaration (200 francs par jour de retard) a été limitée à 50'000 francs.
Impact incertain sur les impôts
L'impact du projet sur les recettes fiscales en Suisse reste flou. Les données de la déclaration ne pourront pas servir en tant que telles pour ajuster l'impôt mais permettront au fisc de mener de plus amples investigations.
Si la Suisse corrige un bénéfice imposable, elle pourrait engranger davantage d'impôts. Mais elle pourrait tout aussi bien affronter une baisse de recettes si le fisc étranger a procédé à un ajustement et que Berne doit prendre des mesures compensatoires pour éviter une double imposition.
Le dossier retourne au Conseil des Etats.
/ATS