Téléphone multifonctions, PC ou tablette, parfois les trois à la fois, ces outils font partie du quotidien de bien des grands-parents. Et cela ne va pas sans risque: il faut des règles de fonctionnement, selon une étude neuchâteloise publiée vendredi.
Quelles modifications entraînent les nouvelles technologies de communication (NTC) dans les relations que les seniors entretiennent avec leurs proches? C'est la question centrale de cette étude menée par Antonio Iannaccone, Vittoria Cesari Lusso et Sophie Lambolez à l'Institut de psychologie et éducation de l'Université de Neuchâtel (UniNE).
Leur constat: il y a du pour et du contre. Quand les relations sont bonnes entre les grands-parents et leur entourage, les NTC apportent une valeur ajoutée, en termes quantitatif et qualitatif, alors que quand les relations sont insatisfaisantes, elles risquent fort d'amplifier les conflits et les tensions.
Cette étude qualitative a porté sur des personnes jouant le rôle de grands-parents, âgées de 65 ans ou plus et qui avaient au moment de la recherche des petits-enfants âgés de 0 à 15 ans. Douze entretiens individuels ont été menés, quatre entretiens de couples et deux de groupes à Lausanne et Neuchâtel avec respectivement avec 19 et 14 participants.
Il s'agissait de cerner les liens de ces personnes avec les NTC et l'usage qu'elles en font dans le cadre de leurs relations familiales. Des rencontres en face à face ont aussi eu lieu, ainsi que des enregistrements d'interactions dans des ateliers informatiques, entre formateurs juniors et les participants seniors.
Premier écueil
Le premier écueil se présente avant même la prise en main de l'objet, quand le senior doit choisir un appareil par rapport à ses besoins. C'est là que se tisse un premier lien avec l'entourage: 'Les grands-parents demandent volontiers conseil à leurs enfants ou même petits-enfants', rapporte Sophie Lambolez, citée dans un communiqué de l'UniNE.
Une fois qu'ils ont acquis l'appareil, les seniors admettent souvent dépendre de leur progéniture pour le dépannage et des aides techniques. Vient ensuite la relation entre l'usage de l'objet et le reste de la famille.
Une grand-mère confiait avoir pris l'habitude, chaque fois qu'elle gardait son petit-fils âgé d'un an et demi, de faire des photos du bambin et de les envoyer immédiatement aux parents. L'instauration de cette habitude a rapidement montré ses travers.
Un jour, la grand-mère a oublié d'envoyer la photo et les parents du bambin se sont inquiétés de ne pas la recevoir. C'est précisément de cette immédiateté et traçabilité des NTC que peuvent surgir des problèmes inattendus, selon les chercheurs.
En concurrence
Un grand-père regrettait de son côté l'importance prise par la tablette entre lui et son petit-fils âgé de huit ans. Il éprouvait de la peine à le détacher de l'écran pour qu'il vienne manger ou jouer avec lui. 'Il avait l'impression d'être en concurrence avec la tablette', résume Sophie Lambolez.
Le plaisir de garder un contact régulier et vivant avec des proches établis à l'étranger via des logiciels comme Skype est reconnu. Les cas de familles parties pour l'Asie et l'Australie, dont les grands-parents vivent en Suisse, ont ainsi été rapportés.
En conclusion, si les NTC offrent une large palette de nouvelles pratiques communicatives, elles demandent la création de règles de fonctionnement qui ne vont pas nécessairement de soi.
Effort d'adaptation
Presque tous les grands-parents soulignent en effet les efforts d'adaptation et d'apprentissage continus demandés par les NTC et par la familiarisation avec des outils qui deviennent rapidement obsolètes. Par ailleurs, ceux-ci font entrer constamment le monde extérieur dans l'espace intime familial.
S'ils offrent une large palette de nouvelles pratiques communicatives vues comme avantageuses, les NTC peuvent aussi se transformer en piège, car elles modifient les hiérarchies de compétences dans le cadre familial. Il s'agit de savoir choisir le bon outil pour la bonne situation, soulignent les scientifiques.
De ces nouvelles technologies émergent de nouveaux enjeux psychologiques pour la génération des grands-parents: un sentiment de maîtrise générant la fierté et le plaisir d'afficher ses compétences en la matière, ou à l'inverse, parfois, une gêne sociale et un sentiment d'infériorité.
Effets physiques
Pour certains grands-parents, les NTC ont imposé un besoin qui n'existait pas. Pour d'autres, ce sont des moyens fantastiques, sources de plaisir et de valeur ajoutée relationnelle.
De même, l'attention consacrée au choix des mots propres à ces nouveaux moyens de communication peut être source de plaisir comme d'incompréhensions et tensions.
Enfin, à ne pas négliger, des effets sur la santé physique sont relevés: certains grands-parents en parlent comme sources de fatigue (visuelle, maux de tête), d'autres les utilisent pour pallier des limites physiques (par exemple, baisse d'audition ou de vue).
/ATS