L'avenir des forfaits fiscaux offerts aux riches étrangers est entre les mains du peuple. Comme le Conseil des Etats, le National a appelé à rejeter l'initiative populaire "Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires". Le couperet est tombé par 119 voix contre 59. Le gouvernement doit encore fixer la date du scrutin.
Le texte, déposé par le parti La Gauche avec le soutien du camp rose-vert et des syndicats, affirme que les privilèges fiscaux pour les personnes sont illicites. Il stipule que l'imposition d'après la dépense est interdite.
La majorité bourgeoise a fait bloc contre cette tentative de tuer la poule aux oeufs d'or. Une acceptation de cette initiative pourrait faire fuir jusqu'à 80% des contribuables concernés et réduire les recettes fiscales, a estimé Jean-René Germanier (PLR/VS) au nom de la commission. Environ la moitié des étrangers imposés au forfait ont quitté Zurich lorsque le canton a aboli ce système.
Il n'y a pas d'inégalité fiscale à corriger, selon les orateurs de droite. Les étrangers domiciliés en Suisse réalisent leurs revenus à l'étranger et sont imposés à la source. Les forfaits, inscrits dans le droit fédéral depuis 1935, visent à éviter une double imposition. D'ailleurs, des pays comme l'Autriche, la Grande-Bretagne, le Portugal et Malte pratiquent des systèmes comparables.
Face au mécontentement grandissant, des mesures ont été prises pour durcir les conditions d'octroi des forfaits à compter de 2016, a rappelé la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf. La facture des riches étrangers va donc légèrement augmenter.
A l'avenir, la dépense minimale prise en compte dans le cadre des impôts cantonal et fédéral s'élèvera à sept fois le loyer ou la valeur locative du logement, au lieu de cinq. Pour l'impôt fédéral direct, le seuil du revenu imposable sera fixé à 400'000 francs.
Ce durcissement ne répond pas aux exigences d'équité devant l'impôt sur lequel repose le système fiscal, ont rétorqué les représentants de la gauche. Il n'y a pas de raison d'imposer un riche étranger établi en Suisse différemment de son riche voisin suisse.
D'autant que, comme l'a prouvé l'affaire de Johnny Hallyday à Gstaad (BE), il n'y a quasiment pas de contrôle pour savoir si les bénéficiaires du système habitent réellement en Suisse, a mis en garde Ada Marra (PS/VD). Pour son collègue genevois Manuel Tornare, c'est une forme d'évasion fiscale, d'autant que nombre de bénéficiaires exercent quand même des activités lucratives en Suisse.
La pression populaire a eu la peau des forfaits fiscaux dans plusieurs cantons (ZH, SH, AR, BS, BL) et a suscité un durcissement des conditions d'octroi dans d'autres (SG, TG, LU, NW, BE). A Genève et au Tessin, des votations sont prévues.