Le président algérien Abdelaziz Bouteflika, confronté à une contestation sans précédent en 20 ans de pouvoir, a limogé samedi son directeur de campagne. Une possible réponse aux manifestations massives de la veille réclamant qu'il renonce à briguer un 5e mandat.
L'ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal qui avait animé les trois précédentes campagnes victorieuses (2004, 2009, 2014) du candidat Bouteflika, est remplacé par l'actuel ministre des Transports, Abdelghani Zaalane, a annoncé simplement l'agence APS, citant 'la direction de campagne' du chef de l'Etat.
Aucune explication n'a été donnée à ce changement au lendemain de manifestations monstres à Alger et dans le reste de l'Algérie et à moins de 36 heures de l'expiration du délai de dépôt des dossiers de candidature à la présidentielle, dimanche minuit.
Pas de réaction officielle
Aucun responsable algérien n'a jusqu'ici réagi officiellement à l'imposante mobilisation des Algériens vendredi, à travers le pays, pour dire leur rejet de la perspective d'un 5e mandat de M. Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, qui célèbre ses 82 ans ce samedi.
Hospitalisé à Genève depuis six jours, officiellement pour 'des examens médicaux périodiques', le retour en Algérie du chef de l'Etat n'a toujours pas été annoncé.
Aucune disposition légale ne semble cependant obliger un candidat à se présenter en personne au Conseil constitutionnel pour y déposer son dossier.
En l'absence physique de M. Bouteflika, qui ne s'est pas adressé aux Algériens depuis un AVC en 2013 et qui n'apparaît plus que rarement en public, M. Sellal se retrouvait en première ligne depuis le début de la contestation et pourrait avoir servi de 'fusible', a expliqué à l'AFP un observateur ayant requis l'anonymat.
Son remplaçant Abdelghani Zaalane, haut fonctionnaire de 54 ans qui a fait carrière dans l'administration préfectorale, en tant que secrétaire général de wilayas (préfecture) puis de wali (préfet) notamment d'Oran, deuxième ville du pays, est peu connu du grand public.
La présidence ne veut pas céder
Toute la semaine, le camp présidentiel a réaffirmé que la contestation n'empêcherait pas le scrutin de se tenir dans les délais et que le dossier de candidature du chef de l'Etat serait remis dimanche au Conseil constitutionnel.
Les autorités 'espèrent tenir jusqu'à dimanche, avec l'espoir qu'une fois la candidature de Bouteflika actée et rendez-vous donné dans les urnes, la contestation s'essoufflera', expliquait à l'AFP, avant les derniers défilés en date, un autre observateur sous le couvert de l'anonymat.
Difficile de savoir si la mobilisation exceptionnelle de vendredi peut changer la donne. 'Ce n'est pas dans les habitudes de ce régime de céder à la rue', note cet observateur, 's'il recule sur la candidature, jusqu'où devra-t-il reculer ensuite?'.
Opposition inaudible
En revanche, le risque que M. Bouteflika se retrouve sans adversaire crédible apparaît réel, alors que son camp entend démontrer la légitimé du chef de l'Etat dans les urnes le 18 avril.
Seuls trois petits candidats ont jusqu'ici déposé leur dossier de candidature, tandis que trois figures de l'opposition semblent tergiverser et que le Parti des Travailleurs (PT), petite formation d'extrême-gauche, a renoncé, en raison de la contestation, à présenter un candidat pour la première fois depuis 2004.
Le plus connu des trois candidats enregistrés est Abdelaziz Belaïd, 55 ans: transfuge du Front de libération nationale (FLN) - ex-parti unique et formation du président Bouteflika -, qu'il a quitté en 2011 pour créer le Front Al-Moustakbel.
Un ancien ministre du Tourisme, Abdelkader Bengrina, président du Mouvement El Bina (islamiste) a annoncé avoir déposé samedi son dossier de candidature auprès du Conseil constitutionnel.
Les deux autres sont des quasi-inconnus: Ali Zeghdoud, président du microscopique Rassemblent algérien (RA) et Abdelkrim Hamadi, un indépendant. Déjà candidats déclarés lors de précédentes présidentielles, leur dossier n'avait pas été validé.
Principal adversaire de M. Bouteflika aux présidentielles de 2004 et 2014, son ancien Premier ministre Ali Benflis annoncera dimanche s'il se porte ou non candidat. Tout comme Abderrezak Makri, président et candidat déclaré du Mouvement de la société pour la paix (MSP), principal parti islamiste.
Ali Ghediri, général à la retraite débarqué sans parti fin 2018 de façon fracassante sur la scène politique en promettant notamment une 'IIe République', déposera son dossier dimanche matin, a annoncé son coordinateur de campagne.
L'homme d'affaires Rachid Nekkaz, omniprésent sur les réseaux sociaux et qui draine des foules de jeunes enthousiastes, semble ne pas remplir les conditions d'éligibilité.
/ATS