Des milliers de manifestants pro-européens sont descendus samedi dans les rues de Tbilissi en Géorgie pour une 3e soirée consécutive de protestations contre le gouvernement. Ce dernier est accusé par l'opposition de détourner ce pays de ses ambitions d'adhérer à l'UE.
Les deux précédentes manifestations, jeudi soir et vendredi soir, avaient été dispersées à l'aide de canons à eau et de gaz lacrymogène par la police, qui a aussi procédé à plus d'une centaine d'arrestations.
La présidente pro-européenne du pays, Salomé Zourabichvili, a de son côté annoncé à l'AFP qu'elle refusera de rendre son mandat qui se termine cette année tant que de nouvelles élections législatives n'auront pas été organisées.
Le parti au pouvoir du Rêve géorgien, avec lequel elle est en rupture, a remporté le dernier scrutin fin octobre, dénoncé par l'opposition comme entaché d'irrégularités.
Les protestations ont été provoquées par la décision du gouvernement, accusé de dérive autoritaire prorusse, de repousser les discussions sur l'intégration de ce pays du Caucase à l'UE à 2028.
Drapeaux de l'UE
Samedi soir, les rues du centre de la capitale de ce pays du Caucase, près du Parlement, étaient remplies de manifestants, beaucoup tenant des drapeaux de l'UE et des drapeaux géorgiens, ont constaté les journalistes de l'AFP.
'Mon futur dépend de ce que la Géorgie va faire maintenant', a déclaré une manifestante, Anna Kaulachvili, 22 ans, drapeau géorgien autour des épaules. Elle assure consacrer autant de temps que possible aux manifestations, quitte à sacrifier loisirs et même travail.
'L'espoir est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui. Nous croyons en l'avenir', abonde Nino Barliani, 29 ans, directrice en ressources humaines.
Ani Bakhtouridzé, travailleur social de 32 ans, dit avoir 'voté pour la liberté et les droits humains' lors des législatives. 'Que fait notre gouvernement ? Il fait tout ce qui est contraire à la liberté', s'insurge-t-il.
Près de 150 interpellations
Devant le Parlement, des manifestants tapaient avec des pierres ou avec leurs poings sur les hautes plaques de métal qui en bloquent l'entrée et lançaient des pétards par-dessus, qui explosent dans la cour, a constaté l'AFP.
Jeudi et vendredi, des manifestations nocturnes avaient déjà rassemblé plusieurs milliers de personnes à Tbilissi et dans d'autres villes du pays. Elles ont été dispersées par la force par la police, qui a annoncé avoir interpellé près de 150 personnes en deux jours pour 'désobéissance' et 'vandalisme', tandis qu'au moins 42 policiers ont été blessés.
Le Premier ministre Irakli Kobakhidzé a remercié samedi les forces de l'ordre, qui ont selon lui 'défendu hier l'ordre constitutionnel de la Géorgie et sauvegardé la souveraineté et l'indépendance de la nation'.
'Traîtres'
Certains Géorgiens croisés par l'AFP à Tbilissi samedi ont aussi émis des doutes sur le mouvement. 'Ce ne sont pas des manifestations, c'est de la violence', tranche Aza Aloublichvili, retraitée de 77 ans, fidèle au gouvernement.
Kakha Tchotchoua, agent de sécurité de 55 ans, n'a lui que des mots durs pour l'opposition, des 'traîtres' qui ne représentent selon lui qu'une part minime des Géorgiens.
Fonctionnaires et juges solidaires
Le mouvement a néanmoins commencé à s'étendre au-delà de la rue. Des centaines de fonctionnaires, notamment des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l'Éducation, ainsi que des juges ont publié des déclarations communes en signe de protestation.
Quelque 160 diplomates géorgiens ont critiqué la décision du gouvernement de reporter le processus d'intégration européenne, estimant qu'elle était contraire à la Constitution et conduisait 'à l'isolement international' du pays.
Plus d'une centaine d'écoles et d'universités ont suspendu leurs activités en signe de protestation.
'Mon mandat se poursuivra'
La présidente Salomé Zourabichvili, qui ne dispose que de pouvoirs limités mais qui soutient le mouvement de protestation, a assuré qu'elle ne quitterait pas ses fonctions comme prévu le 14 décembre.
'Tant qu'il n'y aura pas de nouvelles élections et un Parlement qui élira un nouveau président selon de nouvelles règles, mon mandat se poursuivra', a déclaré cette ancienne diplomate française à l'AFP.
Malgré sa décision, le gouvernement assure vouloir poursuivre les réformes et avoir toujours l'intention de rejoindre l'UE en 2030. Le Premier ministre a dénoncé un 'chantage' de Bruxelles, alors que le Parlement européen a réclamé de nouvelles élections législatives.
La Géorgie a obtenu officiellement le statut de candidat à l'adhésion à l'UE en décembre 2023, mais Bruxelles a depuis gelé le processus, accusant l'exécutif d'opérer un grave recul démocratique.
Les USA condamnent l'usage de la force
Les Etats-Unis ont condamné samedi 'l'usage excessif de la force par la police' lors des manifestations et annoncé suspendre un programme de partenariat avec la Géorgie. La veille, la France avait appelé au 'respect du droit de manifester pacifiquement'.
Le Conseil de l'Europe a condamné la 'répression brutale des manifestations' et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a dénoncé 'l'usage disproportionné et indiscriminé de la force' par la police.
/ATS