L'avocat de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne, a de nouveau été placé en garde à vue mardi dans l'enquête sur l'arbitrage controversé de son litige avec le Crédit lyonnais. Les policiers continuaient parallèlement à interroger l'homme d'affaires qui s'était vu octroyer 403 millions d'euros en 2008.
Les juges d'instruction soupçonnent l'arbitrage, qui était venu solder un vieux contentieux né de la vente d'Adidas en 1993, d'avoir été biaisé au profit de M. Tapie, aujourd'hui âgé de 70 ans.
Pour les enquêteurs, il s'agit notamment de comprendre comment l'homme d'affaires - dont la garde à vue a été prolongée mardi - a plaidé sa cause à l'Elysée et au ministère de l'Economie et quels pouvaient être ses éventuels liens avec les arbitres.
C'est sur ce second point que le rôle de Me Lantourne, avocat de longue date de M. Tapie qu'il a a connu en 1996, intéresse tout particulièrement les enquêteurs.
Ces derniers soupçonnent ainsi l'avocat d'avoir eu des relations professionnelles avec un des arbitres, Pierre Estoup, et de ne pas en avoir fait état au moment de l'arbitrage comme l'exige la loi. Lors de sa première garde à vue, Me Lantourne avait notamment été interrogé sur les conditions de désignation des arbitres.
Choix collégial
Ce fut un choix collégial, a-t-il dit en substance, mais contrairement à l'usage - un arbitre choisi par chaque partie et un troisième choisi par les deux autres - le CDR (Consortium de réalisation, chargé du passif du Crédit Lyonnais) et le camp Tapie ont "codésigné" les trois arbitres.
Selon les indications de Me Gilles August, avocat du CDR, aux enquêteurs, c'est Me Lantourne qui a suggéré le nom de Pierre Estoup. C'était un nom parmi d'autres, avait déclaré Me Lantourne aux enquêteurs. M. Estoup a été mis en examen pour "escroquerie en bande organisée" dans cette enquête. Lors de leur perquisition, les enquêteurs ont mis la main sur un courrier de M. Estoup à Me Lantourne sur l'arbitrage, qui pourrait s'avérer compromettant.
Les juges s'interrogent également sur le sens d'une dédicace faite par M. Tapie, en juin 1998, dans un livre offert à M. Estoup. "Votre soutien a changé le cours de mon destin", lui écrivait-il. Outre M. Estoup, deux personnes sont mises en examen dans cette enquête: Stéphane Richard, le PDG d'Orange et ex-directeur de cabinet de l'ancienne ministre de l'Economie Christine Lagarde, et Jean-François Rocchi, ancien patron du CDR.