L'Ukraine est entrée dans une nouvelle ère, se dotant dimanche d'un chef de l'Etat intérimaire en remplacement de Viktor Ianoukovitch. Le président, destitué la veille, est depuis introuvable. Une élection présidentielle est prévue le 25 mai.
Conformément à la Constitution, le président du Parlement Oleksander Tourtchinov, un proche de l'opposante Ioulia Timochenko, a été élu chef de l'Etat ad interim à une très large majorité. Dans un discours à la nation, il a averti que l'Ukraine, au bord d'un défaut de paiement, "est en train de glisser dans le précipice".
M. Tourtchinov a aussi déclaré que l'intégration européenne allait redevenir une priorité pour Kiev. Il s'est néanmoins dit prêt au dialogue avec Moscou, "sur une nouvelle base d'égalité et de bonne entente, qui reconnaisse et prenne en compte le choix européen de l'Ukraine".
Les députés se sont aussi entendus pour constituer d'ici à mardi un gouvernement d'union nationale. Plusieurs figures de l'opposition sont pressenties pour le diriger. Ioulia Timochenko, libérée de prison la veille, a déclaré dimanche qu'elle ne songeait pas au poste de Première ministre.
Des mandats d'arrêt ont été lancés contre des personnages-clés du régime de M. Ianoukovitch, l'ancien ministre des revenus Oleksander Klimenko et l'ex-procureur général Viktor Pchonka, afin qu'ils soient traduits en justice.
Viktor Ianoukovitch, qui avait refusé samedi de démissionner et dénoncé un "coup d'Etat", a entre-temps été lâché par sa formation, le Parti des régions. "L'Ukraine a été trahie, les Ukrainiens dressés les uns contre les autres", a dénoncé ce parti, désignant M. Ianoukovitch comme le "responsable des événements tragiques" de la semaine.
L'ex-président, qui aurait tenté sans succès de fuir en Russie en corrompant des gardes-frontière, restait introuvable dimanche. Mais des habitants de Donetsk, le fief où il a débuté sa carrière politique dans les années 1990, ont signalé un renforcement de la sécurité sur la route menant à sa résidence locale.
Le centre de la capitale a renoué avec un semblant de normalité. Profitant du calme revenu, des dizaines de milliers de personnes, familles avec enfants, sympathisants émus ou simples curieux, se sont pressés dimanche au centre-ville pour observer l'étrange décor de guérilla laissé par trois mois de crise aiguë.
Avec fleurs et appareils photo, ils se recueillaient, inspectaient les barricades, les boucliers des défenseurs et les impacts de balles laissés par les violents affrontements de la semaine. Selon un nouveau bilan du ministère de la Santé, les violences ont fait 82 tués depuis mardi.
Parallèlement, le siège du Parti communiste, allié du parti de M. Ianoukovitch au Parlement, a été saccagé par des manifestants. Les inscriptions "criminels", "assassins", "esclaves de Ianoukovitch" ont été taguées sur le bâtiment.
Quelque 40 statues de Lénine ont aussi été déboulonnées ou vandalisées depuis le début de la semaine, principalement dans l'est du pays, selon les médias ukrainiens.