La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) juge légitimes les poursuites engagées contre Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev, les deux anciens dirigeants de la compagnie pétrolière russe Ioukos. Elle estime toutefois que leur procès n'a pas été équitable.
Les juges de Strasbourg ont condamné la Russie à verser 10'000 euros (12'000 francs) en réparation du dommage moral à M. Khodorkovski, le seul à avoir formulé une telle demande, pour le caractère inéquitable du procès.
Dans un jugement complexe de plus de 200 pages, la juridiction européenne a retenu plusieurs violations par Moscou de la Convention européenne des droits de l'homme, dont une "atteinte portée à la confidentialité, s'attachant aux relations avocat/client, ainsi que la collecte et l'examen des preuves par la juridiction du jugement".
Traitements dégradants
Moscou est par ailleurs jugé coupable de violation du droit à la vie familiale des deux hommes emprisonnés respectivement à 6000 et 3000 kilomètres de Moscou, où ils résident.
La Cour estime par ailleurs que les requérants ont été soumis à des traitements inhumains et dégradants en comparaissant dans une cage métallique durant leur procès et, pour ce qui concerne M. Lebedev, à une détention provisoire d'une durée excessive.
Mikhaïl Khodorkovski, ancien PDG de Ioukos, et son ancien adjoint Platon Lebedev purgent une peine de treize ans de prison pour fraude fiscale et escroquerie à grande échelle. Ils ont obtenu fin 2012 une réduction de peine de deux ans qui devrait leur permettre de recouvrer la liberté en 2014.
Appel possible
L'arrêt rendu par une chambre de sept juges n'est pas définitif, chacune des parties disposant de trois mois pour demander le renvoi de l'affaire devant la grande chambre.
Une avocate de M. Khodorkovski, Karinna Moskalenko, s'est dite "très satisfaite du fait que le CEDH ait reconnu le caractère inéquitable du procès (et) de nombreuses infractions à la Convention". Sur cette base, les avocats souhaitent réclamer "la libération immédiate de leurs clients".
Pas de motivation politique
Me Moskalenko a lui déploré que la CEDH "répète néanmoins qu'elle ne peut conclure au caractère fondamentalement politique du procès, en l'absence de 'preuves tangibles et irréfutables'".
Comme dans un précédent arrêt, en 2011, la CEDH n'a pas reconnu la motivation politique de cette condamnation. Sur ce point capital pour Mikhaïl Khodorkovski, adversaire résolu du président russe Vladimir Poutine, ses juges se sont montrés très prudents.
MM. Khodorkovski et Lebedev avaient également introduit des recours devant la CEDH après un second procès qui avait provoqué un alourdissement de leurs peines.