L'étau se resserre autour de l'ancien Premier ministre français Edouard Balladur, soupçonné de financement illicite de sa campagne électorale lors de la présidentielle de 1995, avec l'élargissement de l'enquête judiciaire à un éventuel "détournement de fonds publics", ont indiqué mercredi des sources judiciaires.
Les magistrats, qui s'intéressaient déjà à un éventuel financement de la campagne de M. Balladur par le détournement de commissions occultes sur des contrats d'armement à l'étranger, ont élargi leur enquête à l'utilisation des fonds spéciaux en liquide dont disposait Matignon. Ils auraient eux aussi pu alimenter les caisses de son équipe de campagne.
Ils ont obtenu le 18 juillet du parquet de Paris la possibilité d'élargir leur enquête pour "abus de biens sociaux", concernant ces éventuelles rétrocommissions, à des faits de "détournement de fonds publics".
Avec de tels soupçons concernant le financement de sa campagne, le spectre de la Cour de justice de la République, seule habilitée à juger d'anciens membres du gouvernement, "se rapproche inexorablement" d'Edouard Balladur, aujourd'hui âgé de 84 ans, a souligné le journal "Le Monde" qui a révélé cette information.
L'homme d'affaires Ziad Takieddine a récemment affirmé que des versements d'argent pour la campagne de M. Balladur provenaient de commissions versées pour des contrats d'armement conclus en 1994 avec le Pakistan et l'Arabie Saoudite. Mais d'autres témoins ont évoqué devant les juges d'instruction Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire la piste de fonds secrets gouvernementaux.
Fonds secrets
Entendu fin 2012, l'ex-trésorier d'Edouard Balladur, René Galy-Dejean, avait notamment affirmé que l'argent liquide versé sur le compte de campagne ne provenait pas des meetings, comme l'affirmait l'ancien candidat, mais de ces fonds secrets.
L'enquête sur le financement de la campagne calamiteuse d'Edouard Balladur à la présidentielle de 1995 (parti favori à droite face au socialiste Lionel Jospin, il avait été devancé au premier tour par Jaques Chirac au profit duquel il s'était désisté) trouve son origine dans un attentat commis en 2002 à Karachi, tuant 15 personnes dont 11 Français.
L'enquête du juge antiterroriste Marc Trévidic s'est orientée à partir de 2007 vers l'hypothèse de représailles à l'arrêt du versement de commissions liées à des contrats d'armement, ce qui a conduit à l'ouverture d'une enquête pour corruption.