Le gouvernement bernois ne cache pas sa satisfaction dimanche après la décision des citoyens de Belprahon et Sorvilier de demeurer dans leur canton. N'hésitant pas à parler de "journée historique", les deux conseillers d'Etat dépêchés dimanche dans le Jura bernois ont appelé à "serrer les rangs".
Pour le Conseil-exécutif, "ce jour historique marque la fin du processus destiné à clore la Question jurassienne, conformément à la Déclaration d'intention du 20 février 2012 entre les cantons de Berne et du Jura. Le gouvernement comprend la déception de tous ceux qui auraient voulu changer de canton, mais la démocratie a parlé", a dit son président, le Vert Bernhard Pulver, devant les médias à Courtelary (BE).
Il est temps désormais que tous les camps serrent les rangs et consacrent ensemble leur énergie au développement de leur commune. Les habitants de Belprahon et de Sorvilier méritent de tourner la page des oppositions et de saisir les opportunités qui s'offrent à eux.
Le Conseil-exécutif tend la main à toutes les parties pour bâtir l'avenir. Et Bernhard Pulver de préciser à l'intention de son homologue jurassien qu'il attend de celui-ci qu'"il nous accompagne dans un esprit constructif".
Le conseiller d'Etat représentant le Jura bernois Pierre Alain Schnegg (UDC) s'est exprimé de manière semblable. Appelant les perdants à "collaborer avec nous" tout en "respectant le canton du Jura et son patriotisme", il a assuré que "toutes les forces constructives sont les bienvenues".
Les plaintes n'y changent rien
M. Schnegg attend néanmoins désormais que l'on accepte enfin que la Question jurassienne soit terminée. L'Assemblée interjurassienne sera du reste dissoute le 10 novembre prochain. Les plaintes actuellement pendantes concernant le vote de Moutier n'y changent rien, a-t-il souligné.
A propos des procédures en cours, le gouvernement bernois ne souhaite pas prendre position. Il en reste au plan politique, tout en reconnaissant que chacun est libre de saisir la justice dans un Etat de droit.
Mais le président du gouvernement bernois tient quand même à répondre aux critiques selon lesquelles la votation de ce dimanche, en se déroulant avant que ne soient connues les conclusions des recours sur Moutier, aurait pu être faussée. Selon lui, le préfet rendra ses décisions avant de partir à la retraite fin novembre.
Le Gouvernement jurassien, déçu, s'attèle au transfert de Moutier
Le Gouvernement jurassien a exprimé dimanche sa déception après la décision des communes de Sorvilier et Belprahon de rester dans le canton de Berne. Il a dit respecter ce choix, mais a regretté le climat "délétère" autour du vote suite aux recours sur Moutier.
Le choix de Belprahon, qui s'est joué à sept voix près, laisse un goût amer aux autorités du canton du Jura. Leurs arguments "factuels" n'ont pas réussi à convaincre cette petite commune souvent considérée comme un quartier de Moutier.
Lors d'une conférence de presse à Delémont, le ministre des finances Charles Juillard a admis que l'argument de la baisse de la charge fiscale en cas de transfert dans le canton du Jura, pourtant basé sur les chiffres de l'Administration fédérale, n'ont pas fait mouche.
Pour le cas de Sorvilier, l'exécutif a admis que la perspective de devenir une enclave jurassienne au sein du canton de Berne a sans doute été décisive. "Malgré les engagements pris par le gouvernement jurassien, de nombreuses personnes ont craint que les collaborations entre Sorvilier et les communes voisines soient remises en cause".
Climat "délétère"
Lors de la conférence de presse, la présidente du gouvernement Nathalie Barthoulot a regretté le climat "délétère" autour du vote ces dernières semaines, en particulier en raison des recours contre le vote à Moutier et les informations sur une possible vente de l'hôpital du Jura bernois.
Le gouvernement s'est interrogé sur le calendrier de certaines fuites dans la presse, pointant en particulier l'enquête du Ministère public du Jura bernois-Seeland sur le vote à Moutier, rendue publique le jour de la Fête du peuple jurassien. L'exécutif n'a pas exclu une "intervention auprès de la Confédération", sans donner plus de précisions.
Pour Charles Juillard, les recours ont sans doute eu une influence sur des indécis. Il a souhaité que les procédures en cours soient réglées le plus rapidement possible.
Un défi "unique"
Reste que pour le Gouvernement jurassien, qui a malgré tout souligné la qualité du dialogue avec le canton de Berne ces dernières années, la Question jurassienne est désormais réglée sur le plan politique. L'Assemblée interjurassienne (AIJ) peut désormais être dissoute, ce qui sera fait lors d'une cérémonie le 10 novembre à Moutier.
Les autorités jurassiennes vont maintenant se concentrer sur le transfert de Moutier, un processus qui va avancer "très rapidement", selon Nathalie Barthoulot. "Il s'agit d'un défi unique, car jamais dans l'histoire suisse une commune de 8000 habitants n'a changé de canton".
Une cellule de cinq personnes va rapidement s'atteler à la tâche. Un concordat intercantonal doit être négocié entre les deux parties et soumis au vote dans les deux cantons. "Nous voulons réserver le meilleur accueil possible à Moutier", a souligné Charles Juillard. La ville prévôtoise sera jurassienne au plus tôt en 2021.
La Question jurassienne n’est pas close pour tout le monde…
"Ce n'est qu'un début, continuons le combat" ont scandé avec ferveur quelque 150 militants autonomistes réunis dimanche à Moutier (BE) après le refus de Sorvilier (BE) et de Belprahon (BE) de rejoindre le canton du Jura. Pour le Mouvement autonomiste jurassien (MAJ), la Question jurassienne n'est pas close.
"Ce n'est que partie remise", a lancé le secrétaire général du MAJ Pierre-André Comte aux militants réunis à l'Hôtel de la gare à Moutier. Quatre ministres jurassiens avaient fait le déplacement dans la cité prévôtoise pour partager la déception des militants autonomistes et leur apporter leur soutien.
"Sorvilier reste en prison. Ainsi en ont décidé les ennemis du Jura", a déclaré le conseiller municipal autonomiste de Sorvilier Jean-Marie Kohler. "Une terre jurassienne est maintenant sous les verrous des geôliers bernois", a ajouté le porte-parole des militants du oui à Sorvilier. /ATS