Un rédacteur du To’Porren a été condamné ce mardi à 5 jours-amende avec sursis pour une fausse accusation envers le journaliste et personnage public Arnaud Bédat. Le dessinateur Pitch Comment, lui, est libéré des charges de diffamation et d’injures
Censés amuser les foules, les propos et dessins d’un journal de carnaval se sont cette fois retrouvés devant le juge pénal à Porrentruy. Un rédacteur du To’Porren a été condamné ce mardi en première instance à une peine mineure de 5 jours-amende à 50 francs avec sursis pour diffamation. Ce n’est pas pour sa satire carnavalesque que le journal a été épinglé mais pour avoir diffusé une fausse accusation. Le journal satirique avait en effet écrit en 2019 que le journaliste et personnage public Arnaud Bédat avait été « condamné pour de bon » dans l’affaire de fraude électorale à Porrentruy en 2012. Or, ce dernier ne faisait l’objet que d’une ordonnance pénale susceptible d’opposition, la justice (jusqu’au Tribunal fédéral) l’ayant d’ailleurs acquitté par la suite. Également sur le banc des prévenus, le dessinateur Pitch Comment a, lui, été libéré des charges de diffamation et d’injures pour une série d’une vingtaine de dessins sur ce même Arnaud Bédat.
« Le lecteur lambda comprend qu’Arnaud Bédat a été condamné définitivement »
« Trop facile de dire que tous les coups sont permis dans un journal de carnaval », estimait le journaliste bruntrutain. Et la justice lui a donné en partie raison en affirmant que la formulation « condamné pour de bon » dépassait le cadre de la satire. L’avocate neuchâteloise du rédacteur, Me Veya, a bien tenté de défendre que cette formulation ne devait pas s’entendre comme une condamnation « définitive » mais plutôt comme « réelle » et matérialisée « d’une manière sérieuse ». Mais « le lecteur lambda comprend qu’Arnaud Bédat a été condamné définitivement, ce qui n’était pas le cas », tranche la juge Marjorie Noirat. Si le terme « condamné » a été réitéré dans l’édition 2021 du To’Porren avec la mention « pour de bon » rayée, l’auteur de l’article de 2019 affirme ne pas être la plume de 2021 qui reste donc inconnue. « L’essentiel est qu’il a été reconnu que cette publication dépassait les bornes et qu’il y a eu des accusations fausses », a réagi l’avocat genevois du plaignant, Me Vincent Solari, à l’issue du prononcé du jugement.
Me Vincent Solari, avocat d'Arnaud Bédat : « Il a été reconnu que cette publication avait dépassé les bornes »
La magistrate n’a en revanche retenu ni la diffamation ni l’injure à l’encontre de Pitch Comment. Ses 18 dessins répartis sur autant de pages et assortis des sous-titres « condamné », « consacré », « convergé », « confédéré » (…) - « en un seul mot », précisait le journal - relèvent bien de la satire carnavalesque qui tolère de jouer avec les mots. Arnaud Bédat se disait victime d’un harcèlement et d’un « ressentiment haineux », là où le dessinateur jurassien a défendu ses 18 caricatures successives comme « une figure de style, un comique de répétition ». Et de conclure, soulagé, que s’il « n’avait plus le droit de dessiner quelqu’un en concombre, cela poserait un sérieux problème à la profession ».
Pitch Comment : « Si dans le futur je ne pouvais plus dessiner quelqu'un en concombre, ça mettrait le métier à mal »
L’affaire n’est cependant peut-être pas terminée. Les parties ont non seulement 20 jours pour faire appel, la défense a de surcroît demandé avant les débats la récusation de la juge Marjorie Noirat pour avoir lu une réponse aux questions préjudicielles et préalables visiblement prérédigée sur son ordinateur sans suspendre la séance ni s’entretenir avec sa greffière. Une pratique « condamnée par la jurisprudence du Tribunal fédéral », brandit Me Marcel Eggler, avocat neuchâtelois de Pitch Comment. Il reviendra donc à la chambre des recours de se prononcer a posteriori sur cette demande. Si la récusation est retenue, le jugement s’en trouverait alors totalement annulé et une partie de l’action possiblement éteinte au vu du délai de prescription qui court jusqu’au 28 février. /jpi