Cinq membres du mouvement social écologiste étaient jugés mardi au Tribunal de première instance, à Porrentruy. Trois sont coupables de contrainte, pour des blocages de rues. Mais leur collage d'affiche en 2021 ne constitue pas un dommage à la propriété
Les cinq membres d'Extinction Rebellion, jugés mardi au Tribunal pénal, à Porrentruy, ne sont pas coupables de dommages à la propriété pour avoir collé des feuillets sur le Parlement jurassien, en septembre 2021. Trois d'entre eux sont en revanche coupables de contrainte, pour avoir empêché des usagers de la route d'utiliser un axe principale, en bloquant une rue de Zurich, en octobre 2021. L'un des prévenus a aussi commis une infraction en empêchant la circulation publique à Delémont, en mai 2021. Les membres du mouvement social écologiste qui ont participé à la manifestation zurichoise écopent de 10 jours amende avec sursis pendant deux ans, respectivement à 10 et 30 francs. Le prévenu qui s’est aussi assis sur la chaussée à Delémont est quant à lui condamné à 15 jours amende à 10 francs, avec sursis pendant deux ans. Un jugement décevant, selon l’un des prévenus acquittés. Mathias Waelti s'est dit « révolté » après le rendu du jugement.
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Juger les actes, et pas la question climatique
La juge Marjorie Noirat a déclaré avoir jugé « les actes », et non pas la question de l'urgence climatique. Si le dommage n’a pas été retenu pour les faits survenus au Parlement jurassien à l’automne 2021, c’est parce qu’elle ignore quelles traces ont été laissées sur le bâtiment et s’il y a bel et bien eu un dommage (pour rappel, les militants avaient collé un résumé du premier volet du 6e rapport du GIEC sur les murs de l’institution cantonale. « Avec une colle écologique, à base de farine, de sucre et d’eau », ont répété les prévenus, ajoutant qu’elle ne laissait aucune trace et que les feuillets pouvaient être décollés très facilement). Quant aux perturbations routières, elles ont été constituées, « les rapports de police sont clairs », selon la juge : s'asseoir sur la chaussée constitue une entrave à la circulation et/ou une contrainte.
L'importance, selon Extinction Rebellion, d'une action visible
Entendus mardi matin, les prévenus se sont, tout au long de leur déclarations, défendus d’avoir agi « sans danger », « sans dommage » et « sans avoir commis de violences ». Leur seul but étant de sensibiliser les autorités et la population à l’urgence climatique. Selon eux, cela ne peut se faire qu’avec une action visible, à portée médiatique. « Si les membres d’Extinction Rebellion s’asseyaient sur la place publique, Place du château par exemple, rien ne bougerait », a lancé une prévenue, au moment de son audition. Tous estiment n’avoir pas gêné, ni commis de dommages, eu égard à l’urgence climatique et face à « l’inaction des dirigeants ».
Equilibre entre le droit de manifester et le maintien de l'ordre public
Pour leur avocat, Maître Schaffter, il était surtout question de juger de l’équilibre entre l’exercice des libertés (de manifester, en l’occurence), et le maintien de l’ordre public. Invoquant la jurisprudence, il a appelé la juge pénale à acquitter ses clients, qui ont exercé « leur droit fondamental à la liberté de réunion », sans avoir, selon lui, causé de sérieux dommages ou de contrainte. La procureure, quant à elle, avait requis des peines allant de 25 à 10 jours amende selon les faits incriminés. Selon elle, entrave à la circulation publique, contrainte et dommages à la propriété étaient constitués. Elle a rappelé, au début de sa prise de parole, que le tribunal n’était pas un lieu de débat politique, et qu’il s’agissait de juger en droit, au regard de la jurisprudence. Selon elle, les prévenus ont effectivement agi pour défendre une cause, mais une cause qui peut être défendue légalement. L’audience s’est tenue devant une douzaine de personnes, la plupart dotée d’un badge du mouvement Extinction Rebellion. Certaines avaient emporté des panneaux dénonçant la crise climatique. /cto