Abdelfattah Abusrour est de passage dans la région. Cofondateur d’un centre culturel dans un camp de réfugiés proche de Bethléem, il s’est entretenu avec des étudiants jurassiens mardi
Résister autrement que par les armes. C’est le principe soutenu par Abdelfattah Abusrour. Il est né et a grandi dans le camp de réfugiés palestinien d’Aida en Cisjordanie, non loin de Betléhem. C’est là qu’il a cofondé Alrowwad, un centre culturel et un théâtre pour enfants. Invité par le Jura pastoral, Abdelfattah Abusrour a rencontré des jeunes étudiants jurassiens et donné une conférence publique mardi à Delémont pour évoquer ses projets culturels en lien avec la Palestine. « En discutant avec des enfants et des jeunes, certains m’ont parlé de leur rêve de devenir avocat, ingénieur ou enseignants. Mais d’autres m’ont aussi dit qu’ils voulaient mourir. Lorsqu’un enfant de 8 ans dit ce genre ce chose, c’est qu’on a tout fait faux. » C’est ainsi qu’est né le projet baptisé « Belle résistance » qui veut aider à construire la paix de manière créative et pacifiste.
Abdelfattah Abusrour : « Quand un enfant de huit ans dit qu'il veut mourir c'est qu'on a tout raté »
Pour redonner de l’espoir et une voix à ces jeunes, Abdelfattah Abusrour a cofondé un théâtre pour enfants au sein du camp. C’était en 1998. « On a donné un moyen à ces enfants de s’exprimer et de crier aussi haut qu’ils le veulent et je l’espère, de trouver la paix. » Mais rapidement, le projet s’élargit. « Tout le monde ne veut pas faire du théâtre. Alors on a ajouté la danse, la musique, la photo ou la vidéo » explique Abdelfattah Abusrour.
« On a commencé avec le théâtre et puis ajouté la danse, la musique, la photo »
Des tournées dans le monde entier
Les créations réalisées dans le camp d’Aida ont traversé les frontières. Et des représentations ont eu lieu dans plusieurs pays du monde comme la France, la Belgique, l'Angleterre ou les Etats-Unis. « C’est un moyen important pour permettre à nos jeunes d’avoir une vie normale dans des pays libres et de voir qu’ils partagent beaucoup de choses comme des êtres humains, mais aussi de voir les différences. Et ces différences doivent être vues comme des moyens de nous enrichir et non de nous faire peur les uns les autres. »
La culture et les arts font partie de l’identité palestinienne, explique encore Abdelfattah Abusrour. « La culture c’est la face d’un peuple. Lorsque nos enfants se rendent compte de la bonne réception de ces spectacles, qu’ils sont encouragés dans cette démarche pour ne pas devenir un chiffre sur une liste de martyrs ou périr dans une prison israélienne, ils se rendent compte qu’on peut faire beaucoup plus avec l’art qu’avec un fusil. »
Abdelfattah Abusrour : « La culture, c'est la face d'un peuple »
« Aujourd’hui réfugiés et immigrés sont souvent utilisés pour détourner l’attention »
En période électorale, l’immigration et l’accueil de réfugiés est un sujet souvent évoqué dans les débats. « Les pays ont le droit de vouloir se défendre s’ils voient un danger réel, reconnaît Abdelfattah Abusrour. Je pense que la matraque de l’immigration et des réfugiés est utilisée dans différents pays pour dévier l’attention des problèmes réels. Les réfugiés ne sont pas forcément les causes de ces problèmes. Les gens qui sont immigrants ou réfugiés n’ont pas quitté leur pays par luxe, mais par obligation et nécessité. Il faut le comprendre. Il faut traiter les causes de ces immigrations dès le début, si l’on calme les guerres civiles ou les causes économiques alors peut-être qu’il n’y aurait pas autant de problèmes aujourd’hui. » /tna