La situation économique actuelle dans le Jura fait l’objet de nombreuses inquiétudes. Si l’heure n’est pas tout à fait à la crise, elle n’est pas non plus à la sérénité. Les effets du franc fort commencent à se faire sentir.
Nous avons pris la température auprès de quelques-unes des plus grosses entreprises du canton. Parmi les réponses obtenues, la plus optimiste tient en ces termes : "Il faut se tenir prêt pour 2012, parce qu’il est clair qu’on ne peut pas passer à côté." L’inquiétude est donc de mise dans le tissu économique jurassien.
Toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne
Les entreprises les mieux loties ne pâtissent pas encore de la force du franc. Certaines s’en tirent bien, notamment parce qu’une bonne partie de leurs exportations concerne des pays à monnaie restée forte – en Asie par exemple. Mais toutes suivent de près l’évolution de la situation. Un directeur nous confie que ses affaires ont plutôt bien marché depuis janvier ; mais ses marges ont fondu de 30% dans les opérations de change. Il sent désormais que les clients hésitent à passer commande et, selon lui, c’est dans deux à trois mois que l’on pourra véritablement mesurer les conséquences du franc fort.
Les marges se creusent
"On perd nos marges", confirme un autre responsable, qui nous donne un exemple et qui calcule : "Admettons qu’un client nous ait commandé un produit d’une valeur de 10'000€ lorsque 1€ valait encore 1.40 CHF, et que ce produit, nous l’ayons livré en août, quand les deux monnaies étaient à parité. Dans un tel cas, la perte, pour nous, est de 4'000 francs !".
Pour contrer ce phénomène, certaines entreprises ont décidé de revoir leurs prix à la hausse dans la zone euro. C’est effectivement une solution, mais un responsable précise que cela ne suffit pas à combler le trou. Et puis cette option comporte un risque : la perte de compétitivité face à une concurrence européenne moins chère, et pas forcément moins performante.
Pressions sur les fournisseurs
Parallèlement, certains demandent à leurs fournisseurs, parmi lesquels des sous-traitants jurassiens, de faire un effort sur leurs prix ; si ceux-ci ne peuvent pas baisser les tarifs, on se fournira à l’étranger. Et il ne faut pas se leurrer, souligne un responsable : "Une affaire conclue avec un partenaire à l’étranger risque de ne jamais revenir en Suisse."
Autre conséquence : les difficultés dans lesquelles se trouvent alors les sous-traitants, qui taillent à leur tour dans les marges. Certains ont d’ores et déjà appelé leurs employés à fournir des heures supplémentaires pour accroître le rythme de travail. D’autres, plus inquiets encore, commencent à évoquer, en coulisses, le recours au chômage partiel.
Le canton se tient prêt
Aucune entreprise du canton du Jura n’a toutefois demandé, jusqu’ici, la réduction des horaires de travail à cause de la force du franc. Il y a certes une quinzaines de sociétés qui y ont recours, selon les chiffres du mois de juin, mais sans rapport avec la problématique des taux de change.
Le Département jurassien de l’économie prend les inquiétudes au sérieux, mais se refuse à peindre le diable sur la muraille. Le ministre, Michel Probst, rassure : "Si nous connaissons à nouveau, à la fin de l’année voire en début d’année prochaine, des difficultés entrepreneuriales, tout est au point pour pouvoir agir très rapidement dans l’octroi de réductions d’horaires de travail. Au niveau des ORP aussi, nous avons maintenu l’ensemble du dispositif." Mais dans la perspective d’une dégradation de la situation économique, dont tout le monde pressent l’arrivée mais personne l’ampleur, il ajoute : "Il est clair que nous ne sommes pas encore dans la situation de 2008 où l’on envisage un plan de relance ; mais on ne peut pas l’exclure". /lbe