Délicat, comme chaque affaire sexuelle; c’est l’adjectif qui qualifie le mieux le procès qui s’est tenu mardi devant le Tribunal de première instance à Porrentruy. Le juge Pascal Chappuis a libéré un homme accusé d’avoir commis un viol et des actes d’ordre sexuel sur une personne incapable de discernement. Les faits se sont produits en 2010 sur la commune de Soubey. L’homme était accusé d’avoir profité d’une porte non verrouillée et du sommeil de la plaignante pour abuser d’elle. L’audience démontrera que tout n’était pas aussi clair que ça…
Les deux protagonistes approchent de la soixantaine. Lui est un homme marié, Franc-montagnard. Elle aime marcher et vivait parfois dans un chalet insalubre, allumé à la bougie, où se produisirent les faits, un lundi soir d’avril 2010. Mais quels faits ? Là est évidemment toute la question.
Prévenu et plaignante s’accordent sur un point: il y a eu relation sexuelle. Mais pour elle, c’était un viol. « Je dormais, habillée, et lorsque je me suis réveillée, nous étions nus tous les deux et il me pénétrait ». Pour lui, la relation était consentie. « J’ai frappé à la porte, nous avons discuté de tout et de rien et ensuite, nous nous sommes déshabillés avant de passer à l’acte. »
Le ministère public requiert la libération
L’un dit blanc, l’autre noir, et évidemment, il n’y a aucun témoin. Plus complexe encore, pour le procureur Jean Crevoisier, il n’y a « aucun élément objectif pour corroborer les deux versions ». « La version constante » de l’accusé opposée aux propos parfois « étonnants et difficilement crédibles » de la plaignante lui fait requérir, pour la première fois de sa carrière dans ce genre d’affaire, la libération du prévenu.
L’avocat de la défense en fera évidemment de même, alors que celui de la plaignante réclame la condamnation de l’homme. Au final, le juge Chappuis libère le prévenu, lui accorde 2000 francs de tort moral et porte les frais de la cause à la charge de l’Etat. « Je suis face à deux versions que tout oppose », a justifié le juge. « Je ne considère pas que la plaignante a menti. Elle a vécu cet épisode comme un drame, j’en suis conscient, mais ses déclarations sont peu détaillées, émaillées de zones d’ombre et parfois incohérentes alors que l’accusé s’est montré constant dans ses propos. » /clo