L’affaire de la place d’armes aux Franches-Montagnes a constitué un épisode important dans le processus qui a mené à la création du canton du Jura. Mathilde Jolidon a vécu de près cette polémique qui a secoué la région au début des années 60 et l’évoque dans la chronique « Notre passé nous montre le chemin » qui célèbre les 50 ans du vote du 23 juin 1974. Mathilde Jolidon vit à Lajoux, à quelques centaines de mètres du périmètre qui était réservé à la création d’un centre du cheval porté par le Département militaire fédéral. Les terrains avaient été vendus au DMF par le canton de Berne, alors que ce dernier avait promis de ne pas soutenir un projet dont la population locale, dans son écrasante majorité, ne voulait pas. Mathilde Jolidon s’est engagée contre le projet de place d’armes avant de militer au sein de l’AFDJ, l’Association féminine pour la défense du Jura qui défendait la création d’un canton. Elle rappelle que ce second projet militaire avait été précédé d’un premier, dans les années 50, qui envisageait de créer un centre d’entraînement pour les chars d’assaut aux Franches-Montagnes.
Mathilde Jolidon: « On voulait créer un canton donc on ne voulait quand même pas déjà se séparer d’une partie du territoire. »
L’affaire de la place d’armes a fait monter les tensions autour de la Question jurassienne, au point de voir émerger un groupe terroriste : le FLJ. Le Front de libération jurassien était composé de trois personnes : Marcel Boillat, Jean-Marie Ioset et Pierre Dériaz. Il a commis plusieurs attentats dont l’incendie de deux fermes qui faisaient partie du périmètre de la place d’armes des Franches-Montagnes et qui étaient situées à proximité du domicile de Mathilde Jolidon : les Joux-Derrières sont ainsi la proie des flammes le 26 avril 1963 et Sous-la-Côté le 18 juillet de la même année. La police bernoise - qui était à la recherche des membres du FLJ - avait alors installé son quartier général aux Bois-Rebetez-Dessus et procédait à diverses opérations de surveillance de la population locale ainsi qu’à des arrestations. Mathilde Jolidon se souvient de ce climat tendu et aussi d’une anecdote à propos d’un des actes du FLJ puisque son mari avait aperçu, une nuit de juillet 1963, un homme avec une lampe de poche qui traversait les champs situés à proximité de leur domicile…
« C’était probablement un de ces trois du FLJ qui traversait le finage pour aller rejoindre la route des Combes. »
En tant que citoyenne de Lajoux, Mathilde Jolidon s’est ainsi retrouvée à l’un des ponts de cristallisation de la Question jurassienne. Le village, tout comme celui des Genevez, faisait d’ailleurs partie du district de Moutier, à l’époque, et non de celui des Franches-Montagnes. La région de la Courtine était très liée à Bellelay et à son abbatiale. En tant que militante de l’AFDJ, Mathilde Jolidon s’est ainsi engagée dans cette partie du Jura lors des campagnes plébiscitaires des années 70. Elle a ensuite été candidate malheureuse à l’Assemblée Constituante jurassienne avant de siéger au Parlement jurassien sous les couleurs du PDC. Mathilde Jolidon a aussi milité dans les milieux de l’agriculture et a été membre du comité de l’Union des paysannes suisses.
« Bellelay aurait dû venir aussi avec nous pour faire l’histoire du Jura. »
Le prochain protagoniste de la chronique « Notre passé nous montre le chemin » sera Pierre Philippe. /fco