Géothermie : « Le revirement de l’exécutif n’a pas contribué à maintenir la paix publique »

La justice jurassienne a affiché une « compréhension de la frustration populaire » à travers ...
Géothermie : « Le revirement de l’exécutif n’a pas contribué à maintenir la paix publique »

La justice jurassienne a affiché une « compréhension de la frustration populaire » à travers un jugement rendu mercredi après une manifestation contre la géothermie profonde à Glovelier. Retour sur quelques passages forts qui jettent un éclairage nouveau sur la contestation au regard du déroulé politique du dossier.

Au pic de la contestation, les tags de frustration et contestation fleurissaient sur les murs du site de géothermie à Glovelier. (Photo : Georges Henz). Au pic de la contestation, les tags de frustration et contestation fleurissaient sur les murs du site de géothermie à Glovelier. (Photo : Georges Henz).

Le jugement rendu mercredi par la justice jurassienne envers 8 prévenus après une manifestation contre la géothermie profonde à Glovelier jette un regard aiguisé sur le déroulé politique de ce dossier. Ces personnes ont été acquittées de la prévention d’émeute après des faits survenus en juillet 2023, n’a été retenue finalement que la violation de domicile pour avoir foulé le terrain de GeoEnergie Suisse. Pour étayer sa décision, David Cuenat s’est notamment appuyé sur le contexte du processus politique qui a mené à la contestation.


Le doute et la suspension avant le revirement

Souvenez-vous, 2017-2022, le quinquennat des vents contraires et tournants dans le dossier de la géothermie illustré par deux dates clés. Après une motion qui demande l’arrêt du projet, une initiative populaire invalidée par la cour constitutionnelle, une suspension du projet après un séisme en Corée du Sud sur un site de géothermie, le Gouvernement lance le 6 avril 2020 une procédure pouvant mener à l’arrêt définitif du processus. Le magistrat relève que « l’exécutif ne défend alors plus ce projet, même s’il devait en résulter des conséquences financières pour l’État selon les mots du ministre David Eray qui remet en doute les techniques de forage ». Coup de théâtre moins de deux ans plus tard, en janvier 2022, lorsque le Gouvernement décide de la reprise du projet. « Ce revirement de l’exécutif n’a pas contribué à maintenir la paix publique », expose le juge.


« Comment ne pas éprouver une certaine forme de compréhension ? »

On comprend dès lors qu’une forme d’équilibre est ébranlée. Ce dossier, bien que juridiquement conforme de bout en bout selon les plus grands spécialistes, devient un « marasme juridique et politique » selon le juge. « Dans ce contexte, comment ne pas éprouver une certaine forme de compréhension face à la frustration des opposants ? Je ne dis pas que les manifestants avaient le droit de tout faire, je dis que la paix publique était déjà considérablement entamée sans que l’on puisse l’imputer aux prévenus ». En d’autres termes, la justice reconnaît l’incompréhension de la population face au revirement politique. Et reconnaît par conséquent une certaine légitimité à protester, évidemment sans dépasser les règles du droit.


Le juge évoque un « revirement politique critiquable et incompris »

Les prévenus « ont partagé leur inquiétude sur le projet, comme l’avait d’ailleurs fait le ministre David Eray le 6 avril 2020 », souligne David Cuenat qui n’y voit « aucune menace à la paix publique, d’autant plus en tenant compte du contexte hautement sensible du dossier, en particulier un revirement politique critiquable et incompris par une majorité de la population, de Haute-Sorne à tout le moins ». Venant de la justice, la tournure est peu commune, forte. 


« Les condamner pour émeute jetterait le discrédit sur la justice de notre canton »

Elle s’épaissit encore lorsque David Cuenat estime, au regard de ce contexte, que « condamner les prévenus pour émeute jetterait le discrédit sur la justice de notre canton alors que la confiance envers les autorités exécutives est déjà passablement ébranlée ». S’il ne s’agit clairement pas d’un « permis de tout faire » pour les opposants, la formulation sonne pour les décideurs comme une invitation à se remettre en question. Invité à réagir par la rédaction de RFJ, le ministre de l’Environnement David Eray n’a pas souhaité commenter cette décision de justice en vertu de la séparation des pouvoirs. /jpi


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